Quand "Science et Vie" traque Dieu dans le cerveau humain...08/09/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/09/une1936.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Quand "Science et Vie" traque Dieu dans le cerveau humain...

Dans son numéro du mois d'août, Science et Vie annonçait à la Une: «Pourquoi Dieu ne disparaîtra jamais.» Et, en page intérieure, de présenter ainsi ce dossier: «D'étonnants travaux en neurobiologie l'affirment aujourd'hui: l'homme est programmé pour croire en Dieu, via la structure même de son cerveau et, surtout, une petite molécule dont le rôle crucial vient d'être identifié.»

Un des articles fait état de travaux réalisés par des scientifiques qui se sont intéressés à ce qui se passe dans le cerveau de religieux quand ils atteignent l'extase. On y apprend que les états psychédéliques auxquels parviennent les mystiques bouddhistes, chrétiens ou musulmans, quand ils entrent en ces transes qu'ils nomment contact avec leur dieu, se manifesteraient dans le cerveau par les mêmes mécanismes, les mêmes substances chimiques que celles induites par la prise de LSD ou d'opiacés. Et la prétendue «molécule de la foi» ne serait autre que la sérotonine, une substance chimique qui assure la transmission d'informations dans le système nerveux, un médiateur que l'on connaît depuis belle lurette et dont on sait qu'elle intervient dans les sensations de faim, de soif, de sommeil et aussi dans la régulation de l'humeur. En clair, les anomalies de la perception et les aberrations sensorielles que décrivent ceux qui ont pris ces drogues dures, seraient globalement les mêmes qu'ont connues et connaissent encore tous les grands mystiques dans leurs crises d'extase. Voilà qui vient à point pour confirmer, s'il le fallait, que la religion est bien l'opium du peuple!

Le dossier fait état d'autres travaux qui auraient montré que la sensation d'une présence divine, chère aux contemplateurs en plein délire sacré, s'accompagne d'une chute de l'irrigation sanguine de certaines aires du cortex cérébral et que l'excitation d'autres zones du cerveau déclencherait un état proche du nirvana. Mais l'article ne dit pas ce qui se passe dans ces mêmes zones cérébrales lors de fantasmes d'une tout autre nature, ou même de pensées compulsives liées à l'odeur d'une simple tarte aux pommes! C'est là une partie de l'escroquerie de ce dossier, qui tend à faire des délires religieux un mécanisme cérébral d'une nature spécifique et distincte du reste des expériences de la pensée humaine. Contrairement à ce que proclame le titre de l'article, notre cerveau n'est pas «programmé pour croire». Son équipement en neurones et sa structure sont tels que seul le cerveau humain permet l'imagination, l'anticipation, la réflexion, c'est-à-dire la pensée abstraite véhiculée par le langage. Il n'existe pas d'autre mammifère, pas même les chimpanzés, nos plus proches cousins, qui se posent la question de savoir ce qu'ils deviendront après leur mort, pas plus qu'ils ne s'interrogent sur l'origine de la vie, la place du système solaire dans l'Univers ou l'avenir de l'Humanité. Et c'est la longue histoire de l'évolution de la vie qui a permis, en multiples étapes, la transformation des matériaux de l'atmosphère primitive en matière pensante, qui a conduit au cerveau humain doté des capacités de la pensée abstraite qui permet aux hommes de raisonner sur tout, c'est-à-dire y compris sur les âneries.

Quant aux autres articles du dossier, ils flirtent avec la banalité et la démagogie. L'un évoque «La foi, remède miracle contre l'anxiété», en reprenant des études qui auraient montré que les croyants vivent beaucoup plus vieux que les mécréants ou encore que, après les attentats contre les tours jumelles à New York, ceux des Américains qui auraient prié auraient ainsi calmé plus vite et plus efficacement leur angoisse. C'est enfoncer les portes ouvertes sur l'angoisse de la mort propre aux humains, et aussi faire bien peu de cas de tous ceux qui se rongent les sangs à l'idée qu'ils brûleront dans les feux de l'enfer ou erreront dans un purgatoire incertain...

Quant à titrer sur «L'irrésistible ascension de dieu depuis les origines» en affirmant que «depuis trois millions d'années, le sentiment religieux ne cesse de gagner du terrain, pour toucher aujourd'hui 85% de la population mondiale», on pourrait prendre cela pour une galéjade si ce n'était une véritable imposture.

Certes le dossier de Science et Vie ne dit bien évidemment pas que dieu existe. Mais c'est un signe des temps quand une revue de vulgarisation scientifique titre «Pourquoi Dieu ne disparaîtra jamais». À croire que les escroqueries intellectuelles de présentation sont autant d'arguments miraculeux de vente.

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