Etats-Unis : Un océan de misère et d’injustice08/09/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/09/une1936.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Etats-Unis : Un océan de misère et d’injustice

«Comme l'ont montré les ouragans précédents, ceux qui ont le moins de biens à perdre sont ceux qui en perdent le plus. Les souffrances endurées par les familles pauvres ont lieu en général loin des caméras de télévision, qui préfèrent s'intéresser au destin de coûteux bateaux échoués dans les ports. Mais les pauvres en prennent toujours plein la figure. Pas besoin d'un ouragan catégorie 4 ou 5 pour balayer leurs mobile-homes et leurs cabanons. Quand il faut évacuer, ils ne peuvent se payer un billet ou une chambre d'hôtel pour fuir la tempête. Ils terminent dans des abris comme le Superdôme.»

Voilà le constat que tire USA Today, un des grands quotidiens américains, considéré comme tout à fait conformiste, du passage de Katrina. Quasiment toute la presse américaine, pour une fois, a condamné l'injustice sociale que cette catastrophe révélait.

Au-delà de l'incurie criminelle de l'État le plus riche du monde, qui n'a pas fait les aménagements qui auraient permis d'éviter une bonne part des conséquences de cette catastrophe annoncée, le plus révoltant est l'abandon, le mépris, la morgue affichée par les autorités, et tout particulièrement par l'État fédéral.

Tout le monde savait qu'au moins 120000 personnes de la seule ville de La Nouvelle-Orléans n'auraient pas les moyens financiers et matériels de quitter la ville avant la catastrophe. De plus, alors que les autorités avaient demandé l'évacuation générale, à cause de l'inondation attendue, elles avaient décidé de ne pas évacuer tous les malades des hôpitaux. Et ce qui devait arriver arriva: privés de nourriture, d'oxygène et de médicaments, des malades sont morts. Des médecins ont montré devant les caméras leur désespoir face à ces morts, victimes de l'incurie des autorités.

La Nouvelle-Orléans est la ville la plus pauvre d'un des États les plus pauvres des USA, qui partage avec le Mississipi, État lui aussi sinistré, le triste privilège de figurer en queue de ce classement. L'essentiel des emplois de la ville sont liés au tourisme, avec des salaires très bas. C'est parmi ces catégories qu'on rencontre le plus grand nombre des «travailleurs pauvres», ceux qui travaillent et n'ont pas les moyens de vivre avec le minimum nécessaire.

À cela s'ajoutent tous ceux, retraités ou chômeurs, qui doivent survivre avec les maigres allocations d'assistance, réduites au minimum. Les Noirs fournissent dans la ville et dans les campagnes alentour l'essentiel des travailleurs les plus mals payés, comme les ouvriers agricoles des grandes exploitations. Mais il y a aussi bien des ouvriers blancs qui composent eux aussi les bataillons pauvres de cette classe ouvrière. S'il y a 30% de Noirs en Louisiane, leur nombre monte à 67% à La Nouvelle-Orléans. Et plus de 30% de la population totale de la ville est considérée comme vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Le silence, l'abandon pendant des jours entiers sans nourriture, sans eau, dans les excréments, sans soins, et jusqu'à la mort pour certains, de dizaines de milliers de sinistrés qui réclamaient de l'aide en vain, était à l'image du peu de considération qu'ont les gouvernants pour leur propre peuple. Et il ne faut pas dire que les dirigeants du plus puissant des États capitalistes du monde ne savaient pas ce qu'ils faisaient car, quand Bush et son gouvernement ont commencé à réagir et à mettre en mouvement leur appareil d'État, ce ne fut pas en mobilisant des médecins, des infirmières et des civils, pour distribuer des vivres et des médicaments; ce fut pour envoyer des chars, des automitrailleuses, des hommes armés jusqu'aux dents avançant dans un pays à reconquérir. Ce pays c'était le leur, habités par les plus pauvres de leurs concitoyens.

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