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Leur société
Suez-Lyonnaise des Eaux : Seuls les profits coulent à flots
Vendredi 13 mai, un certain nombre d'associations ont organisé des manifestations dans plusieurs grandes villes afin de protester contre les méfaits de la multinationale Suez-Lyonnaise des Eaux.
À Paris, Buenos Aires, Atlanta, Djakarta, Manille ou Santiago, les manifestants entendaient dénoncer la politique de Suez, qui après avoir racheté par centaines des entreprises publiques de gestion de l'eau à travers le monde, utilise sa position de monopole pour imposer ses exigences aux populations.
C'est d'autant plus choquant que l'eau est un besoin vital, élémentaire comme l'air, et que son insuffisance est aujourd'hui un des problèmes les plus criants pour l'humanité. Alors que l'on sait envoyer des sondes sur Mars, que l'on entre, paraît-il, dans "l'ère du numérique", et que selon l'Organisation Mondiale de la Santé 1% des dépenses militaires mondiales suffirait à assurer en quinze ans l'accès à l'eau potable de l'ensemble de l'humanité, environ un quart de celle-ci, soit 1,5 milliard d'êtres humains, n'y ont pas accès. Et chaque jour, 30000 personnes, dix fois le nombre des morts du World Trade Center, meurent par manque d'eau potable.
Le mouvement de privatisation des entreprises publiques d'eau, enclenché depuis plusieurs années, n'a en rien amélioré cette situation dramatique, tout au contraire. Si, au moment des rachats des services publics, Suez et ses concurrents débordent de promesses aguichantes, la réalité qui suit est beaucoup moins réjouissante.
Lorsque les intérêts privés ont fait main basse sur l'eau, il s'est passé dans les pays pauvres la même chose que dans les pays riches... Mais en bien pire. À Manille, aux Philippines, Suez-Lyonnaise des Eaux s'était engagé à conserver pendant dix ans un prix du mètre cube stable. En réalité, celui-ci a plus que triplé entre 1997 et 2002. Au Chili, la promesse d'une baisse des prix de 15% s'est traduite dans la réalité par une hausse du même montant. Et on pourrait multiplier les exemples.
Cette hausse des prix se double d'une politique visant à assurer le service à la seule clientèle nantie, sans se préoccuper des familles non solvables. Les engagements d'entretien et d'élargissement du réseau sont systématiquement remisés. Pire, faute de moyens pour la payer, des quartiers entiers se sont vu couper l'eau potable, sans parler des travailleurs des entreprises d'assainissement et de distribution d'eau, licenciés en masse. Au lieu d'augmenter le nombre de foyers desservis, la privatisation l'a réduit.
Les méfaits de ces entreprises sont tels que parfois, la colère éclate. En Bolivie, récemment, des mouvements sociaux ont exigé le départ de Suez et le retour à une gestion publique de l'eau. En 1997, Suez avait obtenu une concession de trente ans pour la distribution et l'assainissement de l'eau. Sur ce dernier point, coûteux en investissement, le groupe français, surtout soucieux de ses profits, a investi a minima (pour l'essentiel, les crédits et dons d'argent qui accompagnent ces privatisations, mais restent insuffisants), ce qui a fini par entraîner la contamination de l'eau. Au total, 200000 habitants de la banlieue de la capitale bolivienne étaient privés d'eau potable. C'est ce qui a déclenché la contestation, puis le rejet de Suez.
La soif dont le monde meurt, à la finale, c'est celle insatiable des profiteurs.