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Editorial
Au référendum, c'est Non !
Le dimanche 29 mai, le matraquage médiatique ne nous laisse pas l'oublier, nous aurons à voter pour ou contre le projet de Constitution européenne. Ses rédacteurs, comme ceux qui appellent à voter "oui", assument ou ont assumé tous trop de responsabilités gouvernementales dans les coups portés depuis des années contre les travailleurs pour que ces derniers puissent accepter ce mauvais coup de plus en votant "oui".
Comment imaginer qu'une Constitution chaleureusement recommandée par Chirac, Raffarin et Sarkozy, puisse contenir quoi que ce soit de bon pour le monde du travail? Et le fait que la direction du Parti Socialiste soutienne ce projet ne le rend pas meilleur.
Cela prouve seulement que la droite au pouvoir et le Parti Socialiste qui veut y revenir défendent une fois de plus la même politique. Pendant les cinq ans du gouvernement Jospin, les attaques contre les travailleurs n'ont pas cessé, pas plus que les restrictions financières pour les services publics, voire leur privatisation.
Le 22 mai d'ailleurs, lors des élections régionales en Allemagne, le "socialiste" Schroeder a été désavoué pour avoir mené là-bas la même politique antiouvrière que Raffarin ici, en France.
Les responsables du grand patronat appellent aussi à voter "oui" à cette Constitution. Et pour cause: cette Constitution, comme tous les traités qui l'ont précédée, consacre un vaste marché permettant aux grands groupes financiers et industriels d'augmenter encore leurs profits.
Donc, rien que de voir qui sont ceux qui patronnent ce projet de Constitution donne aux travailleurs toutes les raisons de s'y opposer.
Si cette Constitution n'apporte rien de bon aux travailleurs ici, en France, elle n'est pas non plus favorable aux peuples. Il se trouve dans le camp des défenseurs du "oui" aussi bien que du "non" des gens pour brandir la menace que représenteraient pour les travailleurs de ce pays le plombier polonais ou le travailleur en bâtiment tchèque. Mais qui parle de ces trusts français, allemands ou britanniques qui se sont approprié les usines, les banques, les chaînes de distribution des pays de l'Est? Ces prédateurs ont mis la main sur la quasi-totalité des économies de ces pays pour piller leurs ressources et pour s'octroyer le droit d'exploiter leurs travailleurs, bien plus mal payés encore que nous. Les ennemis des travailleurs des deux parties de l'Europe sont les mêmes groupes capitalistes, responsables ici comme là-bas des salaires insuffisants, de l'insécurité de l'emploi et de la précarité. Ils n'ont pas besoin de Constitution pour soumettre la société à leur dictature, mais la Constitution consacre leur domination. Cela ne doit pas être avec notre accord.
Il faut que la Constitution soit rejetée mais il faudra se méfier de ceux qui, une fois les urnes du référendum rangées, se mettront immanquablement à nous proposer de nouvelles échéances électorales, la présidentielle ou les législatives de 2007. Les vedettes de la politique amusent la galerie avec l'existence ou non d'un plan de rechange en cas de victoire du "non", ou avec la possibilité ou non de renégocier le texte de la Constitution. Mais disons-nous bien que, même s'il y a un "plan de rechange", il ne sera pas plus favorable aux travailleurs. Ceux des dirigeants du Parti Socialiste qui, comme Fabius, ont choisi de faire voter "non", ne sont pas devenus pour autant les défenseurs du monde du travail.
Quelle que soit l'issue de ce référendum, elle ne réglera aucun des problèmes des travailleurs. Si nous les laissons faire, les plans de licenciements continueront et le pouvoir d'achat du monde du travail continuera à s'affaiblir.
Le changement du rapport de forces entre le grand patronat et le gouvernement d'un côté, et le monde du travail de l'autre, ne se produira pas dans les urnes mais seulement par les grèves. Il est indispensable d'imposer des objectifs vitaux pour notre avenir, comme en finir avec le chômage par l'interdiction des licenciements collectifs et la répartition du travail entre tous ainsi que l'augmentation générale des salaires.
Arlette Laguiller
Éditorial des bulletins d'entreprise du 23 mai