Allemagne : Après la débâcle du SPD26/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1921.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Après la débâcle du SPD

Les élections régionales du dimanche 23 mai en Rhénanie du Nord-Westphalie se sont traduites par une nette victoire de l'Union Chrétienne-Démocrate (CDU), qui passe de 37% à 44,8% des voix tandis que le Parti Social-Démocrate (SPD) recule de 42,8% à 37,1%, obtenant ainsi son plus mauvais résultat depuis 1954. Surtout la CDU recueille un million de voix supplémentaires par rapport au dernier scrutin, il y a 5 ans.

Cette élection avait valeur de test national dans la mesure où, avec 18,1 millions d'habitants, ce land est le plus peuplé du pays. C'est aussi le plus industriel car il englobe la vaste région de la Ruhr. Il était dirigé depuis 1966 par le SPD, qui en avait fait un fief lui permettant d'offrir d'innombrables postes aux membres de son appareil.

Le simple fait qu'en Rhénanie du Nord-Westphalie le chômage atteint les 12,1% de population active et monte même à 16,1% dans la Ruhr, avec une pointe à 26,4% dans un ancien grand centre minier comme Gelsenkirchen (la dernière mine de la ville, qui employait 5000 personnes, a fermé en 2000), suffit à expliquer le désaveu du SPD qui s'est exprimé dans les urnes.

Mais cette défaite s'inscrit aussi dans la continuité d'autres revers qui se succèdent depuis des années. Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, en septembre 1998, après 16 années de pouvoir de la CDU, le SPD contrôlait dix länder sur 16. Il n'est désormais majoritaire, avec les Verts ou tout seul, que dans quatre d'entre eux.

La campagne électorale a été en partie alimentée par les déclarations de Franz Müntefering, président du SPD, qui s'est laissé allé à critiquer "le pouvoir croissant du capital à l'échelle internationale". Cette déclaration, de la part du dirigeant d'un parti qui, depuis sept ans, a multiplié les cadeaux au capital comme les attaques contre le monde du travail, ne dépassait pas celle d'un Chirac en son temps sur la "fracture sociale". Ces propos, amplifiés par la presse, ont connu une résonance disproportionnée, entraînant même des discussions dans les entreprises sur le capitalisme et ses méfaits, ce qui est relativement rare dans ce pays où règne un consensus social plus fort qu'en France. Mais ce pseudo-radicalisme verbal n'a pas suffi à sauver le SPD.

De son côté, une liste Alternative Électorale - Travail et Justice Sociale (WASG) se présentait pour la première fois, avec comme tête de liste un pasteur protestant. Ce nouveau parti, lancé par des responsables syndicaux, des cadres du SPD déçus et des militants altermondialistes, a obtenu 2,2% des suffrages. Il se veut surtout l'expression électorale du mécontentement qui existe dans le monde du travail envers les mesures prises par le SPD. Mais il a déjà annoncé qu'il ne veut nullement bouleverser l'ordre social et limite ses ambitions à un retour au SPD "idyllique" des années 60 et 70. À cette époque le SPD était évidemment déjà, depuis longtemps, un gérant loyal du capitalisme. Et puis aujourd'hui, c'est la crise, et on ne peut revenir à l'apparente conciliation d'intérêts du capital et du travail qui était alors sa politique. Alors, autant dire que la WASG n'offre aucune perspective politique sérieuse aux travailleurs.

Dès l'annonce de la déroute, le chancelier Schröder, qui ne peut plus guère gouverner puisque la droite dispose désormais de la majorité de blocage au Bundesrat (la Chambre qui représente les länder), a décidé d'avancer à septembre 2005 les élections générales, qui étaient prévues pour septembre 2006. Tous les sondages indiquent que la CDU risque d'en sortir à nouveau vainqueur. Le SPD, après s'être profondément discrédité, laisserait ainsi la place à une droite dont le seul programme est de promettre des cadeaux supplémentaires à tous les possédants, petits et grands. Et qui pourra d'autant plus le faire que les travailleurs sont profondément désorientés.

Ce qui est à espérer, c'est que l'avidité de profit de la bourgeoisie et de ses représentants au gouvernement, leur mépris de la population, finissent par déclencher une réaction collective de la classe ouvrière, la seule qui pourra lui permettre de changer le rapport de force.

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