Togo : "Leur ami le dictateur"26/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1921.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Togo : "Leur ami le dictateur"

Dans un rapport du 14 mai dernier, la Ligue togolaise des droits de l'Homme (LTDH) rappelle que les élections présidentielles du 24 avril au Togo se sont déroulées dans un climat d'extrême violence et de répression militaire. La crise que traverse ce pays d'Afrique de l'Ouest aurait fait 800 morts et 4500 blessés durant les trois derniers mois avant, pendant et après le scrutin.

Depuis son élection à la présidence suite à des fraudes massives, Faure Gnassingbé, le fils du dictateur défunt Gnassingbé Éyadéma, n'a cessé de réprimer les manifestations de l'opposition qui contestaient le résultat électoral de la dernière présidentielle.

Preuve de cette répression quotidienne, les centaines d'opposants arrêtés et assassinés, le nombre des réfugiés qui continuent d'affluer au Bénin et au Ghana voisins. On compte aujourd'hui plus de 30000 Togolais ayant fui les violences gouvernementales. Depuis son hold-up électoral, Faure Gnassingbé s'appuie sur l'armée pour se maintenir au pouvoir et celle-ci impose son "ordre" brutal à Lomé, comme dans toutes les grandes villes du pays. Le dictateur nie cette répression et les massacres. Il en rejette la responsabilité sur l'opposition, et s'offre le luxe de créer "une commission nationale d'enquête chargée de faire la lumière sur les violences qui ont suivi l'élection présidentielle". Une façon d'enterrer l'affaire!

Au moment même où les dirigeants français, principaux bailleurs de fonds de la dictature togolaise et les principaux chefs d'État d'Afrique de l'Ouest, réunis au sein du cartel des dictateurs de la CEDEAO (la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest) apportaient leur soutien à Faure Gnassingbé, un rapport d'un diplomate de l'Union européenne qui était censé rester confidentiel, vient confirmer, s'il en était besoin, les fraudes massives commises au Togo.

Électeurs fictifs et bulletins préimprimés en masse

Selon ce rapport, l'analyse des listes électorales a fait apparaître un écart entre le nombre d'inscrits et l'estimation de la population en âge de voter: ce qui porte à plus de 900000 le nombre d'électeurs fictifs, dont 440000 électeurs fictifs dans les seules régions favorables au parti au pouvoir, celui de Faure Gnassingbé. Dans ces régions, le taux de distribution des cartes électorales atteint 95%, le taux de participation 99% et le score du dictateur frise les 95%. À l'inverse dans la capitale, Lomé, ces mêmes indicateurs chutent en dessous des 40%. Le taux de participation a atteint 35%, tandis que 390000 électeurs inscrits n'ont pas pu voter, confirme le rapport de ce diplomate. Sans parler des faux bulletins préimprimés au nom de Faure Gnassingbé et des nombreux cas d'enlèvement d'urnes par les militaires. Et c'est en des termes peu amènes que le rapport critique le rôle de figuration des 150 observateurs de la CEDEAO.

Ce rapport contredit les propos du commissaire européen à la Coopération, qui s'était empressé de reconnaître l'élection de Faure Gnassingbé! Face à une fraude organisée à une aussi grande échelle, le Parlement européen s'est senti obligé de se démarquer de la Commission, affirmant qu'il ne pouvait "reconnaître la légitimité des élections". Position de principe qui n'a aucune incidence sur la situation.

Un gouvernement "d'union nationale" pour légitimer le hold-up électoral

Réunis le 19 mai à Abuja, au Nigeria, les chefs d'État de la CEDEAO et de l'Union Africaine (UA) ont tenté une énième fois de légitimer le coup d'État électoral de Faure Gnassingbé en constituant un gouvernement d'union nationale avec la participation des principaux partis de l'opposition, dont certains étaient prêts à aller à la mangeoire. Le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), l'ancien parti unique, celui de Faure Gnassingbé, s'appuie sur sa reconnaissance par toutes les dictatures locales pour refuser d'organiser de nouvelles élections. Mais la ficelle étant un peu grosse et la manoeuvre un peu trop voyante: la tentative a toutefois fait long feu.

Quoi qu'il en soit, le dictateur togolais n'a pas de crainte à avoir: il a de puissants alliés, les dictateurs du Burkina et du Nigeria mais aussi l'ancienne puissance tutélaire, la France, fidèle en amitié, qui apporte sa protection politique et militaire. Les intérêts des capitalistes français au Togo et dans toute la région s'accommodent fort bien d'une énième farce électorale, fût-elle sanglante.

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