Brésil : Les paysans sans terre demandent des comptes à Lula26/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1921.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : Les paysans sans terre demandent des comptes à Lula

Le 17 mai, au terme d'une marche de deux semaines, une manifestation a réuni à Brasilia 12000 paysans sans terre venus réclamer une accélération de la réforme agraire. Le président Lula a reçu une délégation. Il lui aurait promis de donner cette année des terres à 115000 familles, promesse démentie par Miguel Rossetto, le ministre chargé de la réforme agraire. Au même moment, la police s'en prenait violemment à la manifestation. Des dizaines de manifestants ont été blessés par les charges de la police montée, qui de son côté a goûté des piques de bambou que les paysans lui ont opposées.

115000 familles dotées de terres, c'était le chiffre officiellement annoncé pour 2005. Mais il n'a cessé de fondre, en même temps que les fonds consacrés à la réforme agraire. De 3,7 milliards de reals (un milliard d'euros environ), ils ont été réduits à 1,7: c'est qu'il en faut, de l'argent, pour rembourser la dette extérieure et en payer les intérêts aux banques internationales! Et encore, seuls 480 millions financeraient les expropriations de terres. De quoi doter seulement 40000 familles. Devant ces coupes claires, le Mouvement des sans-terre (MST) avait lancé en avril une vague d'occupations de terres. Cet "Avril rouge" fit que le gouvernement débloqua 400 millions supplémentaires. Si tout se passe comme annoncé, ce sont donc au maximum 70000 familles qui seront installées sur des terres en 2005.

En parlant de 115000 familles, Lula ment donc, comme il n'a cessé de mentir sur ce sujet. Lors de sa campagne électorale, en 2002, il se faisait fort de doter un million de familles sans terre pendant les quatre ans de son mandat. Une fois au pouvoir, il n'a plus parlé que de 430000 familles. Alors qu'il y a dans le pays près de 5 millions de paysans sans terre et que des millions d'autres vivotent sur des lopins insuffisants! Aussi bien les objectifs annuels que les réalisations effectives ont été en retrait. En 2003 par exemple, 30000 installations étaient officiellement prévues, 12500 furent réalisées; en 2004, 60000 prévues, 24700 réalisées. Au total, en deux ans et demi de gouvernement Lula, seulement 60000 familles ont été installées.

En revanche, la répression exercée par les grands propriétaires contre les syndicalistes agricoles et les sans-terre n'a fait que croître. Et c'est dans la logique de ce gouvernement qui a choisi d'accorder la priorité aux exportations de l'agriculture industrielle. Il y a davantage d'assassinats, qui continuent à bénéficier de la complicité des autorités policières et judiciaires. Celles-ci n'arrêtent quelques comparses des tueurs... que lorsqu'un ambassadeur important exige des explications, comme dans le cas d'une religieuse américaine, Dorothy Stang, 73 ans, assassinée dans l'État du Para en février dernier. Par contre les expulsions et les emprisonnements de paysans sont en forte croissance.

Ceux que Lula réprime, ceux à qui il ment aussi effrontément sont ceux qui l'ont porté au pouvoir dans l'enthousiasme. Ils manifestent quand leurs dirigeants les appellent à le faire. Mais ces dirigeants sont complices de Lula. Ils voient toujours en lui "un allié de la réforme agraire". L'un d'eux déclarait au Monde: "Lula n'est pas notre ennemi, il reste notre ami. Je le connais personnellement, c'est un défenseur historique de la réforme agraire."

Défenseur historique? Lula défendait la réforme agraire quand il était dans l'opposition. Mais les dirigeants du MST sont restés aujourd'hui ses amis, alors qu'il ne tient pas ses promesses. On le voit à leur embarras quand la situation les oblige à le critiquer. Dès que Lula fait mine de faire un geste en faveur des sans-terre, ils sont les premiers à le faire savoir, en le valorisant, voire en l'amplifiant. Cette marche sur Brasilia, ils ne l'ont lancée qu'à contrecoeur: il y a huit ans, ils avaient fait marcher dix fois plus de monde sur la ville, mais c'était contre le gouvernement de droite de Fernando Henrique Cardoso.

Tout montre que Lula est un adversaire des sans-terre, des ouvriers, des classes populaires brésiliennes. Les appareils politiques et syndicaux de gauche le critiquent parfois, mais malheureusement ils continuent à le cautionner.

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