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Leur société
référendum : Fabius et ses fans
À la question de savoir s'il se considère comme le chef du "non", Laurent Fabius répond qu'il "ne revendique aucun titre". Mais en choisissant d'appeler à voter non de façon spectaculaire, ostentatoire, à la Constitution, il a fait un choix qui n'est pas innocent, qui prend d'ailleurs à contre-pied toutes ses positions antérieures, y compris sur l'Europe, ce qui lui permet de se distinguer de ses rivaux du Parti Socialiste et de se donner à bon compte une image sinon de "gauche" dans l'opinion, du moins celle d'un rebelle.
Fabius déclare qu'au-delà du "oui" et du "non" à la Constitution, "le principal clivage reste celui qui sépare la droite et la gauche". Seulement, quand il était ministre, il ne s'embarrassait pas d'un tel "clivage": il a poursuivi la politique de la droite. À la politique "d'austérité" contre les travailleurs menée par Barre, Premier ministre de Giscard, succéda après 1981 le gouvernement Mauroy, celui qui dès 1982 instaura "la rigueur" et le blocage des salaires. Fabius y était le ministre socialiste du Budget. Devenu ministre de l'Industrie en 1983, il avalisa de nombreux plans de licenciements, avant de devenir le plus jeune Premier ministre de France l'année suivante. "J'aime bien Fabius pour une raison: parce qu'il liquide le socialisme!", déclarait, dans un élan de lucidité, le "philosophe" Bernard-Henri Lévy au Figaro.
Le PCF, qui venait d'essuyer son premier grand revers électoral aux élections européennes de 1984, prit alors prétexte de la nomination de Fabius, symbolisant alors la droite du Parti Socialiste -et c'est une performance- pour ne pas renouveler sa participation gouvernementale. La politique antiouvrière du gouvernement Mauroy, Fabius la continua durant deux ans. Sous le titre "Le grand manipulateur", L'Humanité écrivit plus tard: "Il n'est pas inutile de rappeler que le nom de Laurent Fabius (...) est associé au toc des TUC (les petits boulots de l'époque, rémunérés à une somme inférieure au Smic), au "sale boulot" selon ses propres termes, dans la sidérurgie et ailleurs, aux vagues nauséabondes de l'affaire du Rainbow Warrior, à l'inoubliable formule "Le Pen pose des questions vraies mais il apporte des réponses fausses", à l'hostilité au scrutin proportionnel, à une sombre machination pour chasser les communistes de la mairie de Vierzon, à un silence trop bien calculé dans sa propre circonscription pendant le conflit aux usines Renault de Cléon, à la tragédie des transfusions sanguines..." Oui, on pouvait lire cela dans L'Humanité du 10janvier 1992. Le quotidien du PCF avait ce jour-là la dent dure. Mais le portrait était ressemblant. Depuis, Fabius a été ministre de l'Économie et des Finances de Jospin entre 2000 et 2002 et son palmarès en faveur du patronat s'est allongé.
Partisan d'une "économie de marché corrigée", Fabius estimait, et estime encore, que la social-démocratie "porte toute l'espérance". "Qu'est-ce qui existe à gauche et qui soit d'avenir, à part le Parti Socialiste? Le Parti Socialiste est la seule force puissante qui puisse donner une espérance à gauche", déclarait-il en juin 2001.
Mais ce retour sur un passé pas si lointain n'empêche pas le Parti Communiste et les forces politiques qui font campagne avec lui de passer l'éponge. Mieux, il participe avec entrain à une nouvelle opération "marche-pied" qui servira, en particulier si le "non" l'emporte, à fabriquer d'un vieux cheval de retour du PS un fringant candidat à l'Élysée. Dans l'espoir, hypothétique, d'être de la partie si Fabius l'emportait en 2007. Et ce PCF nous dira une fois encore qu'il a été "manipulé". Comme à chaque fois.