Grande-Bretagne : L'État au secours de la finance26/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1921.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : L'État au secours de la finance

À peine plus de deux semaines après avoir remporté de peu les élections du 5 mai, le gouvernement de Tony Blair a annoncé qu'il entendait faire de la Grande-Bretagne une "nation de petits propriétaires". Voilà un air connu, qui rappelle curieusement la démagogie de Margaret Thatcher lorsque, dans les années 1980, elle présida à la vente forcée de centaines de milliers de logements sociaux à leurs occupants, réduisant en fait un nombre de familles modestes au statut de locataires des grandes banques.

À l'époque, le but de Thatcher était, entre autres, d'offrir au secteur financier la manne que représentaient les intérêts payés par les nouveaux accédants à la propriété pour l'achat de leur logement.

Aujourd'hui, le but du gouvernement Blair est similaire, mais le contexte de l'opération est tout à fait différent.

Depuis l'arrivée des travaillistes au pouvoir, en 1997, la Grande-Bretagne connaît une croissance vertigineuse des prix immobiliers. Celle-ci a été alimentée, en particulier, par l'arrêt total de toute construction nouvelle dans le secteur des logements sociaux, la privatisation de ceux qui restaient, et l'afflux de capitaux spéculatifs vers l'immobilier après la dégringolade boursière de l'année 2000 et la baisse des taux d'intérêt. Au total, on estime que le prix d'un logement moyen a été multiplié par trois depuis 1997, voire bien plus dans les grandes villes du sud du pays.

Cette bulle immobilière a pris une telle importance qu'elle a gonflé artificiellement toute une partie de l'économie. Les prêts des banques britanniques étant des prêts hypothécaires, basés sur le prix estimé du logement, le fait que le prix de ceux-ci augmente constamment a entraîné des renégociations de ces prêts. Les foyers propriétaires ont pu toucher des banques des sommes importantes en liquide, tout en voyant leurs paiements de mensualités prolongés pour de nouvelles périodes.

Bien sûr, les principaux bénéficiaires de cette situation ont été en fait les banques. Non seulement elles ont vu augmenter le volume des intérêts qui leur étaient versés, mais en plus elles se sont largement payées sur ces rééchelonnements de prêts, grâce aux commissions exorbitantes qu'elles en tirent.

D'un autre côté, cette situation a permis dans l'immédiat aux foyers les plus modestes de payer leurs traites et à ceux disposant d'un revenu un peu supérieur de faire des achats d'ameublement, électro-ménager et autres, qu'ils n'auraient pu faire autrement.

En bref, la bulle immobilière a non seulement alimenté une montée en flèche des bénéfices du secteur financier, mais également un certain gonflement de la consommation et du même coup d'une partie de l'économie.

Seulement, il s'agissait là d'une fuite en avant qui dépend de la poursuite de la hausse des prix immobiliers. Or, depuis la fin 2004, le prix des logements a atteint un niveau tel que les acheteurs se font de plus en plus rares. Et on s'est mis à parler de plus en plus d'une possible explosion de la bulle immobilière.

C'est pour soutenir les prix immobiliers, afin d'éviter une telle explosion qui affecterait toute l'économie et, plus particulièrement, les bénéfices de la grande finance, que le gouvernement Blair s'est lancé dans ce programme populiste en faveur de l'accession à la propriété. Il prévoit en effet de donner la possibilité aux acheteurs d'acquérir 50% de leur logement, en contractant un emprunt auprès d'une banque qui serait propriétaire de l'autre moitié du logement, qu'elle louerait à l'acheteur. Il en résulterait une baisse de 20 à 30% sur les mensualités payées par l'acheteur, que l'État prendrait à sa charge et verserait à la banque sous prétexte de la "dédommager" pour sa grandeur d'âme!

Le gouvernement Blair a toujours refusé des crédits pour la construction de nouveaux logements sociaux, qui font pourtant dramatiquement défaut dans de nombreuses agglomérations. En revanche, il va dépenser des milliards d'euros pour maintenir les prix immobiliers à un niveau exorbitant et financer les profits des banques sur les fonds publics.

Qui plus est, voilà un gouvernement qui, lorsque des milliers de travailleurs sont jetés à la rue par des entreprises richissimes pour gonfler leurs bénéfices, a toujours justifié son refus d'intervenir par le "principe de non-intervention de l'État dans les affaires des entreprises". Mais quand ce sont ces mêmes entreprises qui exigent de l'argent de l'État, c'est un "principe" sur lequel Blair s'assoit volontiers!

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