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Leur société
Le Sénat, une Chambre de conservation
Le premier tour des élections sénatoriales qui s'est tenu le 26septembre, concernant le renouvellement d'un tiers des sièges, comme c'est le cas tous les trois ans, n'a guère apporté de changement.
Le Parti Socialiste présente les résultats comme «un succès qui en confirme d'autres». Mais il est somme toute logique que les résultats du PS lors des élections régionales et cantonales de 2004 se soient répercutés sur le nombre de grands électeurs qui seuls votent pour l'élection sénatoriale. Néanmoins, la droite conserve une large majorité. Et même si l'UMP à elle seule n'a plus la majorité, elle peut continuer à assurer de confortables points de chute à ses proches, à ses membres. Ainsi, Pasqua vient de s'y refaire une immunité parlementaire et Raffarin s'est préparé un point de chute pour l'après-Matignon.
Le mode de scrutin des sénatoriales est complexe. Le corps électoral est constitué des députés, conseillers régionaux, conseillers généraux et surtout de délégués des conseils municipaux. Dans les communes de moins de 9000 habitants, seule une fraction du conseil municipal est électrice. En revanche, dans les villes de plus de 30000 habitants, un représentant pour 1000 habitants vient s'ajouter aux grands électeurs. Au total, environ 150000 personnes, déjà bien sélectionnées, ont le droit de vote. De cette façon, les sénateurs sont tout, sauf élus directement par la population.
Autant dire que les marchandages et autres tractations vont bon train pour savoir qui va décrocher la timbale. L'élection au Sénat assure à des politiciens en mal de mandat ou en fin de carrière (près du quart d'entre eux ont plus de 71 ans), de pouvoir jouir de la tranquillité d'un poste lucratif. La durée du mandat, de neuf ans jusqu'à présent, n'a pas changé depuis plus d'une siècle et ne sera ramenée à six ans pour tous les sénateurs qu'en 2010... à une allure de sénateur, en somme! Et comme si tout ce filtrage ne suffisait pas, le scrutin est encore biaisé à l'échelle des départements, certains appliquant un scrutin majoritaire, d'autres, les plus peuplés, la proportionnelle.
Le Sénat, héritier du Conseil des Anciens fondé par la réaction thermidorienne de 1795, est appelé depuis son instauration à jouer un rôle d'amortisseur, ne risquant pas de laisser entendre les mouvements de l'opinion publique. L'âge requis pour être sénateur est de 30 ans minimum. Son mode de scrutin introduit une sur-représentation des communes rurales, les petites communes étant de deux à cinq fois plus représentées que les grandes villes. Au-delà de l'augmentation du nombre de sénateurs pour les département les plus peuplés, l'un des rares aspects positifs de la timide réforme de 2003 fut d'introduire la parité dans les listes et de ce fait, de féminiser le corps des sénateurs, qui compte désormais 62 femmes sur 331. C'est une proportion de 19% seulement, mais qui dépasse les 12% de l'Assemblée nationale.
Quant au rôle de cette assemblée, qui consistait dans l'esprit des institutions à modérer toute initiative des députés susceptible de gêner un peu la bourgeoisie, il apparaît de plus en plus superflu. Mais, de toute façon, la Chambre des députés elle-même ne joue plus qu'un rôle très secondaire. Tout au plus la prétendue obstruction sénatoriale permettait-elle aux députés de la gauche gouvernementale, lorsqu'ils étaient majoritaires à la Chambre, de traîner les pieds avant de s'incliner devant le patronat et d'attribuer au Sénat la responsabilité de leur démission.