Turquie : L’Union européenne et le «lit de la laïcité»29/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1887.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : L’Union européenne et le «lit de la laïcité»

L'entrée éventuelle de la Turquie dans l'Union européenne continue d'agiter le monde politique français. En s'engageant à ne pas punir l'adultère dans la réforme prévue du Code pénal, le Premier ministre turc, Erdogan, a retiré un des prétextes invoqués par la Commission de Bruxelles pour refuser, ou du moins retarder l'adhésion de ce pays à l'UE. En France, cela n'a pas modifié les positions défendues par les partis et leurs dirigeants.

Le PS s'est réjoui de cet engagement et y voit la possibilité d'ouvrir de nouvelles négociations avec la Turquie dans la perspective de son adhésion... mais Fabius, de son côté, affirme, lui, que cela ne serait pas «raisonnable». La droite gouvernementale est tout aussi divisée, entre Chirac, partisan à terme de cette adhésion, et des ministres de l'UMP qui la refusent, dont le Premier ministre Raffarin. Celui-ci, se faisant l'écho de la fraction nationaliste de l'électorat, s'est élevé contre la perspective que «le fleuve de l'islam rejoigne le lit de la laïcité», ainsi qu'il l'a formulé dans une interview donnée jeudi 23 septembre au Wall Street Journal.

Parler du «lit de la laïcité» à propos des pays de l'Union européenne, c'est faire abstraction de la réalité quotidienne de nombre de ces pays. Laïque, la Pologne, où la hiérarchie catholique pèse de tout son poids sur la politique de ce pays? Laïcs, des États comme l'Irlande ou Malte qui ont demandé -et obtenu des institutions européennes- une dérogation pour continuer à interdire l'avortement? Ou encore le Portugal? Et comment qualifier l'Espagne et l'Allemagne où l'État se charge de collecter des impôts pour entretenir les Églises? Sans oublier la France, où le «lit de la laïcité» ne coule en tout cas pas en Alsace ni en Moselle, puisque l'État finance les hiérarchies catholique, protestante et juive.

Par bien des aspects, nombre de pays de l'Union européenne n'ont rien à envier à la Turquie pour leurs lois réactionnaires. Les partis ou les hommes politiques qui invoquent ce prétexte pour refuser son adhésion ne le font que par démagogie, pour satisfaire les préjugés nationalistes de leur électorat.

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