OGM : Il faudra surtout arracher le pouvoir des multinationales29/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1887.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

OGM : Il faudra surtout arracher le pouvoir des multinationales

Samedi 25 septembre, dans la Vienne, les militants anti-OGM qui se préparaient à faucher une parcelle expérimentale de maïs transgénique ont été accueillis par les gendarmes mobiles et des jets de bombes lacrymogènes qui ont fait 15 blessés. Le même scénario s'était produit trois semaines plus tôt dans le Gers avec le même accueil musclé et le même résultat.

Au-delà de la défense d'une agriculture «naturelle» quelque peu passéiste, les «faucheurs d'OGM» partent en guerre contre les multinationales qui commercialisent les semences OGM, ces Novartis, Limagrain et autres Monsanto qui affirment oeuvrer pour les affamés de la planète mais n'ont pour seul objectif que leurs ventes et leurs profits.

À part des myrtilles et quelques champignons récoltés après la pluie, on ne peut plus guère compter sur les aliments naturels...

Toutes les plantes qui finissent en aliments dans nos assiettes dépendent étroitement du travail humain. Elles ne poussent pas là où le vent et les oiseaux transportent leurs graines mais là où l'Homme les sème, là où il les protège de la croissance des autres plantes à coups d'herbicides et de l'appétit des insectes à coups de pesticides.

Légumes, fruits et céréales cultivés n'ont plus grand-chose à voir avec les espèces dont ils sont issus. Les épis rachitiques du maïs ou du blé d'origine ne ressemblent en rien aux épis actuels qui sont le résultat d'une sélection génétique pratiquée depuis des millénaires par les agriculteurs. C'est en croisant entre eux les épis les plus beaux aux grains les plus gros, qu'au fil du temps, ils améliorèrent génétiquement les espèces cultivées et augmentèrent ainsi les rendements. Longtemps, ils firent de la génétique. Mais sans le savoir, car la découverte des gènes et des mécanismes de l'hérédité ne remonte pas à plus d'un siècle.

Seuls les OGM alimentaires inquiètent

Ce n'est que depuis vingt-cinq ans que les biologistes ont appris à isoler les gènes et à les introduire dans d'autres organismes pour en faire des OGM, des organismes génétiquement modifiés. Des bactéries ont ainsi été modifiées. On leur a greffé le gène humain qui permet la synthèse de l'insuline (l'hormone qui fait défaut aux diabétiques). Et c'est ainsi qu'est aujourd'hui fabriquée l'insuline vendue en pharmacie, bien plus sûre que l'insuline «naturelle» auparavant extraite des pancréas de porc. Personne ne s'y oppose ni ne s'en émeut. Pas plus qu'on ne s'inquiète des chèvres génétiquement modifiées pour produire dans leur lait d'autres médicaments. Non, ceux qui font peur, ce sont les OGM que l'on risque de retrouver dans nos assiettes, le maïs, par exemple.

Certains maïs ont été génétiquement modifiés pour fabriquer eux-mêmes un insecticide. Ils portent dans toutes leurs cellules un gène, prélevé dans une bactérie du sol, qui permet la synthèse de cet insecticide. Leur culture, déjà réalisée en grand, entres autres, aux États-Unis, permettrait de réduire la quantité d'insecticides utilisés.

D'autres maïs ont été génétiquement modifiés pour tolérer un herbicide total. Quand on épand sur le sol cet herbicide, rien ne pousse, excepté les semences de maïs génétiquement modifiées pour le tolérer. Ces variétés offriraient, elles-aussi, un avantage pour l'environnement en permettant d'utiliser un seul herbicide au lieu de plusieurs. Tous les scientifiques ne s'accordent pas pour confirmer ces bienfaits pour l'environnement. Mais une chose est certaine, c'est que la multinationale, Monsanto, qui vend l'herbicide total, le Round'up, est aussi celle qui commercialise... les semences génétiquement modifiées pour tolérer le Round'up. Joli coup double qui est tout un symbole du problème posé aujourd'hui par les OGM.

Une avancée pour demain ?

Des laboratoires de recherche sur les OGM nous promettent pour demain des plantes génétiquement modifiées pour mieux se conserver, apporter plus de vitamines, voire même des plantes qui pourraient pousser dans des conditions de sécheresse extrême et d'autres qui toléreraient l'eau salée pour l'arrosage. C'est vrai que ce serait un véritable progrès, un avantage évident pour les populations vivant sous des climats peu propices à l'agriculture.

Demain, peut-être, les OGM nourriront mieux la planète, avec moins de travail et un gain réel de productivité au bénéfice des agriculteurs. Mais, à l'inverse, peut-être, les essais, les études, concluront à de trop grands risques pour l'environnement et la santé. Pour l'instant, il semble difficile de trancher.

Les essais qui sont aujourd'hui conduits en champs ouverts, viennent après les études menées en laboratoire et en serres confinées. Elles paraissent incontournables pour tenter de répondre aux inquiétudes des uns et aux espoirs des autres.

Pour les conduire, on ne peut bien évidemment pas faire confiance aux seules multinationales dont l'objectif des recherches ne peut pas être indépendant de la recherche des profits financiers. Mais, malheureusement, il ne suffira pas d'arracher quelques plants de maïs pour leur arracher le pouvoir qu'ils ont sur notre alimentation et sur la planète toute entière.

Quant au gouvernement, à voir les forces de police et de gendarmerie qu'il a déployées face à quelques centaines de manifestants pacifistes, il dit clairement dans quel camp il se range, qui il défend et qui il représente: les multinationales et les financiers.

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