Les gros de la distribution ne veulent pas partager29/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1887.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les gros de la distribution ne veulent pas partager

Les grands trust de la distribution réclament des assouplissements de la loi, entre autres de celle qui limite les possibilités d'agrandissement des supermarchés et leur ouverture le dimanche.

Sarkozy a dit que, pour l'instant, rien ne changerait avant que l'on ait fait le point à la mi-octobre sur la façon dont les grandes surfaces ont respecté la baisse de 2%. Il a rappelé que cette mesure concerne 5000 produits et qu'on n'en est encore qu'à 4000. On a bien du mal à voir et la baisse de 2% et les 4000 produits concernés. Pour cela, il faut sans doute avoir des lunettes de ministre de l'Économie.

Sarkozy a ajouté: «La baisse des prix de 2%, je l'obtiendrai (...). J'annoncerai, avant la fin du mois d'octobre, si nous avons besoin de passer par la loi.» Gare aux récalcitrants, Sarkozy ressort sa casquette de ministre de l'Intérieur!

En fait, tout cela sent très fort le marchandage et chacun pousse ses pions.

Les gros de la distribution veulent du donnant-donnant. Ils s'estiment brimés par un ensemble de dispositions légales en vigueur depuis 1996, désignées le plus souvent sous le nom de loi Galland.

Elles visent à limiter l'implantation de grandes surfaces en soumettant à une autorisation préalable la transformation ou l'extension de magasins d'une superficie supérieure à 300 m², au lieu de 1000 ou 1 500 m² auparavant.

Elles régissent les prix pratiqués entre l'industrie et les grandes surfaces, qui ne doivent pas être différents de ceux que l'industriel fait à n'importe quel commerçant. Inutile de dire que les grands distributeurs ont trouvé une combine, celle des «marges arrière» pour tourner la loi: ils paient le prix fixé mais ils en déduisent des «services» rendus aux industriels; ces services peuvent être réels, comme la mise du produit en tête de gondole, ou fictifs: quand ils font de la publicité pour leur chaîne, ils demandent à leurs fournisseurs une participation aux dépenses publicitaires... qu'ils auraient faites de toute façon! Ils ont par ailleurs trouvé un autre moyen de tourner la loi, en développant la vente des produits commercialisés sous leur propre marque.

Mais cela ne leur suffit pas: Michel-Édouard Leclerc, au nom de la défense du consommateur -c'est son truc- veut répercuter une partie de ses ristournes sur ses prix de vente au client et conteste le droit au gouvernement de parler de «prix anormalement bas».

Carrefour, qui a une autre stratégie, veut pouvoir agrandir ses magasins. Concurrents, ils polémiquent sur les aspects de la loi à changer, mais ils se retrouvent sur le fait que le gouvernement doit céder à leur volonté, prendre en compte leur intérêt. Gageons aussi que l'ouverture autorisée plus souvent le dimanche peut les mettre d'accord.

Dans tout cela, les salariés obligés de travailler davantage et les consommateurs qui ne voient pas les prix baisser de façon significative n'ont rien à gagner.

Sarkozy dit qu'il réfléchit. Il ne doit pas trop mécontenter les petits et moyens commerçants, qui constituent une part de son électorat. Il doit pouvoir continuer sa démagogie sur la baisse des prix: il faut bien faire un peu de «social», sans mettre en cause les profits du patronat.

Quel dilemme! Voilà pourquoi il prend son temps, avant d'accéder comme d'habitude aux désirs du patronat... à moins qu'il ne repasse la corvée à son successeur.

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