Guadeloupe : Les ouvriers de la banane ne cèdent pas29/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1887.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guadeloupe : Les ouvriers de la banane ne cèdent pas

Après plus d'un mois de grève, la détermination des travailleurs de la banane n'a pas faibli, bien au contraire.

Mais c'est quand même un comble que des travailleurs doivent se battre aussi longtemps et avec autant d'énergie pour faire appliquer la loi. Un comble qu'ils doivent faire face au quotidien à la pression conjointe des patrons, de la Préfecture (donc l'État), des forces de l'ordre et de tout le lobby antigrève habituel, regroupant les patrons et une kyrielle de petits bourgeois bien pensants, voire haineux à l'encontre des travailleurs.

Que réclament les ouvriers de la banane? Tout simplement l'application de l'augmentation légale du smic, ce que leur refusent les planteurs à de très rares exceptions prés.

Les raisons de la grève

Ces planteurs font un calcul complexe grâce auquel ils s'imaginaient pouvoir tromper le monde. Mais les grévistes savent compter.

Les travailleurs de la banane perçoivent un salaire mensuel qui correspond à 21 journées travaillées (sauf cas de chômage technique), mais en même temps, ils restent payés à la tâche. Dans une journée de travail, ils doivent, par exemple, transporter 80 régimes ou poser 300 cirés de protection des régimes.

Dans les faits, les patrons n'ont pas appliqué le passage légal aux 35 heures puisque les travailleurs doivent exécuter la même tâche pour gagner leur journée.

Quand il a été question d'appliquer l'augmentation légale du smic, qui est passé de 7,19 euros à 7,61 euros de l'heure au 1erjuillet, les patrons ont prétendu combiner le passage aux 35 heures avec l'augmentation du smic. Grâce à ce tour de passe-passe, ils se sont arrangés pour ne pas augmenter les salaires. Ils ont donc volé aux travailleurs 42 centimes d'euro sur chaque heure de travail. Au lieu de recevoir huit heures de salaire, les travailleurs sont payés septheures pour la même tâche! À cela, les patrons ont ajouté un complément de 89,25 euros, ce qui donne un salaire mensuel de 1207,92 euros. Alors que pour huit heures de travail, ils devraient toucher, avec l'augmentation du smic, 1278,48 euros. Les patrons veulent donc voler 70,56 euros à chaque salarié de la banane!

Par ailleurs, les grévistes dénoncent un autre vol: celui effectué sur la rémunération mensuelle légale pour les 414 salariés en chômage partiel. Selon un tract diffusé par la CGTG, les patrons ne respectent pas le paiement des 28 jours précédant la prise en charge du salaire par l'Assedic et ils payent selon leur bon vouloir. Par ailleurs, ils prélèvent l'ensemble des cotisations salariales, alors qu'ils ne devraient prélever que la CSG (Contribution sociale généralisée) et la RDS (Remboursement de la dette sociale). La dette sociale de ces mêmes patrons, qui s'élève à 4 092 012 euros, témoigne du fait que ces cotisations sont bien prélevées sur les salariés, mais pas reversées aux organismes concernés. Ils se les mettent dans la poche. Si l'on ajoute à tout cela les millions d'euros de subventions (directes ou indirectes) que leur verse périodiquement le gouvernement, voilà des gens qui accumulent des fortunes avec la complicité du pouvoir! Et ce sont ces mêmes patrons qui aujourd'hui refusent de s'acquitter de l'augmentation dérisoire du smic!

Le déroulement de la grève

La grève était presque totale au début du mouvement. Mais depuis plus d'une semaine, la Préfecture au nom de la soi-disant liberté du travail fait intervenir systématiquement les forces de répression. Elles stationnent en permanence dans les plantations, elles escortent aussi les camions transportant des bananes, coupées par la minorité de non-grévistes, sur le port de Jarry. Les plantations des gros békés tels que Dormoy et Lignières à Capesterre-Belle-Eau sont occupées par les gendarmes mobiles. Le lundi 20 septembre les non-grévistes sont allés travailler encadrés par ces gendarmes. Sur le port de Jarry aussi, les gendarmes stationnent en permanence de peur d'un blocage de l'embarquement de la banane par les grévistes.

Comme tout cela ne suffit pas pour casser la grève des ouvriers, les citations à comparaître devant les tribunaux tombent. Ainsi, sous prétexte que du matériel a été saboté et des non-grévistes frappés, le tribunal a décidé l'évacuation des plantations par les grévistes avec une astreinte de 50 euros par heure s'ils reviennent occuper

En dépit de ce soutien ouvert de la Préfecture aux patrons de la banane, les ouvriers multiplient les actions. Trois manifestations de rue ont déjà eu lieu à Capesterre et à Pointe-à-Pitre ainsi que trois meetings à Capesterre réunissant de 80 à 200 personnes.

Les rares plantations où on veut faire croire que le travail a repris ne remplissent que peu de containers.

La solidarité commence à s'organiser. Une rencontre entre travailleurs de la banane les travailleurs du port de Jarry et les syndicats CGTG, UGTG et CTU du port s'est tenue récemment. Ceux du port ont publié un communiqué de soutien. Des actions communes sont envisagées. Déjà la presse et les patrons s'inquiètent d'un possible blocage du port.

Reste maintenant, comme le disent les dirigeants de la grève, à renforcer la solidarité grâce à l'apport des salariés de tous les secteurs, du privé ou des services publics.

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