Apprentissage : Former plus et mieux ?29/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1887.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Apprentissage : Former plus et mieux ?

Cinquante propositions pour réformer l'apprentissage en France présentées par le secrétaire d'État chargé des Petites et moyennes entreprises, Renaud Dutreil, des mesures en faveur de l'apprentissage envisagées dans le «plan de cohésion sociale» du ministre du Travail Borloo: le gouvernement veut relancer l'apprentissage pour, prétend-il, «former plus et mieux». Mais il y a loin des intentions proclamées à la réalité.

L'apprentissage, en constante augmentation depuis 1993, concernait 365000 jeunes en 2002.

Pour les patrons, l'affaire est souvent intéressante car même si cette jeune main-d'oeuvre est à qualifier, elle offre aussi l'avantage d'être quasiment gratuite. Les apprentis ne touchent qu'une fraction du smic, c'est-à-dire de 25% à 80% de celui-ci, soit entre 250 et 800 euros par mois, et de plus les patrons bénéficient de mesures «incitatives». Ainsi, pour ne citer qu'une d'entre elles, il est prévu, dans le plan Borloo, de reverser aux entreprises une prime de 1600 à 2200 euros par an et par apprenti pris en formation, ce qui peut représenter deux à six mois de salaire, selon les cas.

Les prétendues «bonnes intentions» du gouvernement...

Le gouvernement qui voudrait ainsi atteindre les 500000 apprentis par an d'ici cinq ans prétend donc le faire dans l'intérêt des jeunes concernés. Le plan de cohésion sociale affirme que «l'apprentissage est une nécessité pour l'emploi des jeunes». Mais la réalité est assez éloignée de cette affirmation. Ainsi une entreprise comme L'Oréal, dont 2,5% de l'effectif est constitué d'apprentis, à tout niveau de qualification, en embauche un tiers seulement à la fin de la période d'apprentissage. Et l'on pourrait multiplier ce genre d'exemples.

Le gouvernement, à l'unisson avec le patronat, avance aussi la nécessité de former une main-d'oeuvre réellement qualifiée. De plus, souligne le ministre de l'Éducation nationale, bien des jeunes n'accrochent de toute façon pas à des formations générales parce qu'ils sont en difficulté scolaire.

Il est vrai que pour former des électriciens, des mécaniciens ou des puéricultrices, une formation pratique est indispensable. Travailler dans une grande entreprise automobile est certainement plus formateur pour un élève qui se destine à être mécanicien ou ouvrier en maintenance que de simples travaux pratiques sur les machines obsolètes qu'on trouve dans les ateliers des lycées professionnels. Faire l'expérience de plusieurs semaines de travail dans une crèche rend certainement la formation plus efficace et plus intéressante pour une future puéricultrice. Par ailleurs, il est vrai que bien des jeunes n'aspirent qu'à une chose, quitter l'école au plus vite.

... et la réalité

Les intentions du gouvernement pourraient paraître donc tout à fait louables. Mais tout dépend du cadre dans lequel se déroule cet apprentissage. De plus, dans bien des entreprises, les patrons ne cherchent pas à former leurs apprentis, et leur donnent les sales boulots que personne d'autres ne veut faire. Et beaucoup d'autres ne voient dans les apprentis qu'une main-d'oeuvre adaptable à leurs intérêts immédiats à former pour les «besoins du marché». Peu leur importe que les jeunes aient une certaine culture. Peu leur importe également s'ils acquièrent une formation par trop spécifique et s'ils ont par conséquent des difficultés plus tard, une fois licenciés par exemple, à se «reconvertir».

Quant au fait que la formation en alternance constituerait une chance pour tous les élèves en grande difficulté, l'argument serait crédible si le gouvernement se donnait par ailleurs tous les moyens pour tenter de remédier à ces difficultés. Mais il n'en est rien. Le dispositif d'alternance au collège prévu par Fillon, destiné à des élèves dès l'âge de 14 ans, se fera au détriment de l'enseignement général. «Les élèves ne bénéficieront pas de tous les enseignements obligatoires» dit le Bulletin officiel. Et les jeunes concernés, qui seront sans doute heureux de sortir de l'école, risqueront d'être pénalisés dans le futur, ce dont ils se rendront compte peut-être trop tard.

Le gouvernement ne veut pas donner aux jeunes qui souhaitent suivre des formations en apprentissage ou en alternance, et qui sont en majorité des jeunes des classes populaires, les moyens d'acquérir en parallèle les connaissances plus générales. Cette culture «générale» leur serait pourtant nécessaire pour changer de métier un jour, et surtout pour acquérir l'ouverture sur le monde nécessaire à leur épanouissement.

Mais ce n'est pas ce souci qui «commande» les initiatives gouvernementales. Avec ou sans formation pratique, il ne souhaite pas de toute façon que l'école puisse donner aux jeunes futurs travailleurs une telle ouverture, qui leur donnerait d'autres moyens de se défendre, de ne pas être de simples jouets entre les mains des patrons et de lutter contre l'exploitation.

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