Le droit à la retraite avant 60 ans : De la frime et des mensonges05/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1840.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le droit à la retraite avant 60 ans : De la frime et des mensonges

Le décret concernant les salariés ayant commencé à travailler très jeunes, et voulant partir à la retraite avant 60 ans, vient d'être publié au Journal Officiel.

Rappelons que cette mesure avait été annoncée à son de trompe en mai 2003, au moment du mouvement contre la «réforme» de Raffarin concernant les retraites, et avait servi de prétexte à la CFDT pour justifier son approbation.

L'effet d'annonce avait fait que nombre de travailleurs qui avaient commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans pensaient être concernés par cette mesure, et pouvoir partir à la retraite avant 60 ans.

En fait, le «relevé de décisions» signé entre le gouvernement et la CFDT contenait déjà le détail des conditions draconiennes qu'il faudrait remplir pour espérer pouvoir partir avant 60 ans. Le décret ne fait que confirmer ce qui avait été décidé en mai dernier.

La principale mesure qui va écarter nombre de salariés est celle qui fait désormais la distinction entre «période cotisée» et «période validée». La distinction n'existe pas pour ceux qui partent après 60 ans. Mais pour ceux qui voudraient partir avant 60 ans, seules sont considérés comme cotisées les périodes de travail salarié effectif, les périodes où le salarié a versé directement ses cotisations. Celles qui ont été payées, en son nom, par l'intermédiaire d'un organisme comme l'Assurance maladie, ou l'Unédic pour les chômeurs, ne compteront pas comme période «cotisée», mais seulement comme période «validée».

Petit bémol, le décret prévoit également de considérer comme cotisées mais seulement dans la limite d'un an les périodes de service militaire d'une part, et d'autre part (c'est nouveau par rapport au projet de mai 2003) la maladie, la maternité et les accidents du travail, toujours dans la limite d'un an.

Une fois cette distinction faite entre période cotisée et période validée, le décret précise le nombre d'annuités des unes et des autres à avoir pour pouvoir partir. Il faudra de toute façon 42 années «validées», parmi lesquelles, selon les cas, 40, 41 ou 42 années «cotisées».

Par exemple, un salarié qui a commencé à travailler à 14 ans pourra partir à la retraite à 56 ans, si et seulement s'il a travaillé et cotisé tout le temps, pendant les 42 ans en question.

S'il a 42 années de validation, mais seulement 40 années de cotisation, il ne pourra partir qu'à 59 ans.

Ainsi, pour pouvoir partir avant 60 ans, il faudra pratiquement n'avoir jamais été au chômage, ni avoir été malade, ni avoir eu d'enfant, ni d'accidents du travail, n'avoir fait que 12 mois de service militaire, en fait, avoir travaillé de manière ininterrompue jusqu'à sa retraite.

Le gouvernement lui-même chiffre à moins de 200000 le nombre de salariés qui pourraient être concernés. Mais dans les faits, le nombre de travailleurs qui demanderont à profiter de cette mesure risque d'être encore bien inférieur.

Car toutes ces conditions et calculs ne concernent que la partie «régime général» de la retraite. La loi et le décret ne disent rien de ce que pourra toucher le salarié pour sa retraite complémentaire, qui représente une part de plus en plus importante. Les discussions entre Medef et syndicats sur les retraites complémentaires en général, et en particulier sur les retraites complémentaires de ceux qui voudraient partir avant 60 ans, ne sont pas terminées, mais le patronat a déjà annoncé qu'il refusait de mettre les sommes nécessaires.

«C'était une mesure de justice sociale très attendue», s'est autofélicité Jean-Pierre Raffarin. A l'arrivée, entre un parcours salarié qui relève de l'exploit et une pension au montant hypothétique, la retraite avant 60 ans va rester du domaine de l'infiniment petit.

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