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Tribune de la minorité
Le bon choix de la LCR
Le congrès de la LCR vient d'approuver, à une très large majorité, le projet d'accord avec LO pour une campagne commune aux élections régionales et européennes de 2004. Il reste au congrès de Lutte Ouvrière de trancher à son tour, début décembre, mais il ne fait plus guère de doute que les deux organisations feront campagne ensemble.
C'est une excellente chose. Aux présidentielles de 2002, les candidatures d'Arlette Laguiller (5,75%) et d'Olivier Besancenot (4,27%), sans oublier celle de Daniel Glückstein, du Parti des travailleurs, avaient totalisé plus de 10% des suffrages exprimés. La responsabilité politique voulait que LO et la LCR au moins cherchent et trouvent cette fois un accord sur les grandes lignes défendues alors parallèlement mais séparément: interdiction des licenciements, contrôle des comptes des grandes entreprises, embauches massives dans les services publics, dénonciation de la politique anti-ouvrière de la droite comme de la gauche gouvernementales... Sans parler des grèves des enseignants et plus largement de la fonction publique du printemps dernier, dans lesquelles les deux organisations ont mis tout leur effort, là encore dans le même sens, mais plutôt côte à côte que réellement en commun.
Seul un accord, face à une loi électorale durcie contre les courants minoritaires, offre à chacune des deux organisations les moins mauvaises chances de conserver des élus. Mais surtout le sentiment de colère et de révolte des classes populaires a besoin de pouvoir s'exprimer de façon consciente, en refusant tous les préjugés agités par les démagogues d'extrême droite. Se tourner vers l'extrême gauche, c'est précisément ne pas faire confiance à un prétendu sauveur ni s'en remettre aux fausses promesses de politiciens de droite comme de gauche. C'est compter sur le meilleur des traditions de la classe ouvrière: ses capacités d'organisation, de mobilisation et de lutte contre le patronat et ses représentants au gouvernement
Pas d'ambiguïté vis-à-vis de la gauche
Au congrès de la LCR, les partisans de l'accord avec LO ont souligné qu'il répondait aux préoccupations du monde du travail et de ses couches les plus défavorisées; qu'il permettrait effectivement de s'adresser à des millions de travailleurs plutôt qu'aux quelques dizaines de milliers de personnes sensibles aux divergences entre les organisations, celles qui pourraient préférer avoir le choix entre l'une ou l'autre. Quelque 70% des délégués ont également affirmé une attitude sans ambiguïté vis-à-vis de la gauche gouvernementale. Plus question de «faire la voiture balai» pour cette dernière. Plus question de consigne de vote systématique au second tour, sauf dans le cas où un candidat du Front National risquerait de remporter la présidence d'une région. Et pas question de fusion avec la gauche plurielle, ni au premier ni au second tour, ou de ne pas se maintenir, si les listes LO-LCR dépassaient les 10% des suffrages. Si la gauche veut les voix de travailleurs, qu'elle les persuade elle-même, par sa politique, de les lui donner, a-t-il été vertement affirmé.
Toutes choses, il faut bien le dire, que dit LO depuis longtemps... et dont se sont persuadés, durant ces deux décennies de gouvernement de gauche, des millions de travailleurs. Dommage que la LCR les ait finalement suivis plutôt que précédés et éclairés. Mais mieux vaut tard que jamais. Dommage aussi qu'aux dernières présidentielles, la LCR qui prétendait déjà avoir changé de cap, ait été encore assez sensible aux pressions de la gauche pour aboutir à faire voter... Chirac au second tour, légitimant des réticences de camarades de LO vis-à-vis du présent accord.
L'essentiel pour l'heure est cependant qu'il ait été voté ce week-end à une très large majorité. Le dépit, la fureur, les cris et les grincements de dents engendrés dans la gauche plurielle ne peuvent nous tromper sur la signification.
Manque de clarté sur l'anticapitalisme</b
Certes le congrès de la LCR a également adopté, à quelque 80% des voix, un «appel pour le rassemblement de la gauche anticapitaliste» pour le moins aussi ambigu que vague. En s'adressant non seulement aux «militants communistes, socialistes, écologiques» mais aussi «aux courants issus de la gauche traditionnelle et aux groupes locaux et régionaux qui veulent d'autres réponses que les compromissions social- démocrates», que vise la LCR? S'excuser auprès de ceux que l'accord avec LO aurait laissés de côté? Mais tout le monde sait qu'aujourd'hui ces courants n'existent pas (c'est même l'une des raisons de l'acceptation de l'accord avec LO). Préparer une politique vis-à-vis d'eux s'ils surgissent demain? C'est alors bien mal s'y prendre que d'édulcorer d'avance son programme pour des gens qui resteront peut-être à jamais des fantasmes. La majorité communiste révolutionnaire de la LCR risque fort de se mordre les doigts d'avoir retiré de ses statuts une partie de ce qui fait son identité trotskiste, comme la nécessité d'une «dictature du prolétariat». Quand, par exemple, ses futurs alliés (heureusement hypothétiques aujourd'hui) essaieront, sous prétexte que le communisme a fait son temps, voire que la lutte de classe est dépassée, de l'entraîner dans une plate politique réformiste. Les altermondialistes ne le font-ils pas déjà en partie aujourd'hui?
Reste que LO, en faisant il y a quelques mois à la LCR la proposition d'une alliance pour les prochaines élections (ce qu'elle avait eu le tort de ne pas faire avant les présidentielles de 2002), a dans l'immédiat amené la LCR sur un terrain favorable aux deux organisations mais surtout aux intérêts et au moral des travailleurs, et sur un programme qui peut dépasser largement le cadre électoral. Il est donc de la responsabilité des deux organisations d'explorer les possibilités d'interventions communes sur d'autres terrains aussi, ceux de la lutte de classe pour la défense des intérêts immédiats comme à long terme de la classe ouvrière.