Allemagne : Une première réponse aux attaques de Schröder05/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1840.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Une première réponse aux attaques de Schröder

Une manifestation contre les «coupes claires sociales» a eu lieu à Berlin samedi 1er novembre. Si, en milieu de journée, certaines radios n'annonçaient que 15000 participants, le soir la police faisait état d'une participation de 100000 personnes. Pour leur part, les organisateurs estiment qu'ils ont pu faire monter 30000 personnes de province dans la capitale. Et un certain nombre de Berlinois ont rejoint spontanément le cortège.

Il est sûr que ce rassemblement a regroupé nettement plus de monde que ce qui était attendu, même si c'est encore peu, dans un pays qui compte 82 millions d'habitants. Mais ce n'est pas négligeable si l'on considère les conditions dans lesquelles la manifestation a été préparée.

Les dirigeants de la grande centrale syndicale DGB avaient en effet refusé d'y appeler et donc de mettre leurs énormes moyens au service de la mobilisation. Le président du DGB, Michael Sommer, avait même qualifié, trois jours avant, la manifestation de «particulièrement sans perspective». Elle n'a donc été organisée que par des unions locales ou sections d'entreprise du syndicat, avec l'appui de comités de chômeurs, du PDS (héritier du SED au pouvoir en Allemagne de l'Est), d'ATTAC, du DKP (le petit PC allemand) et de l'extrême gauche, donc avec des moyens militants limités. Et dans bien des villes ou entreprises, personne n'en a entendu parler.

Malgré cela, cette participation relativement importante témoigne du mécontentement qui règne dans le monde du travail. De nombreuses pancartes accusaient le gouvernement ou renommaient le Parti Social-Démocrate (SPD) en «Sozialabbau Partei Deutschlands» (Parti du démantèlement social d'Allemagne). Un mécontentement qui s'est traduit aussi, depuis des mois, par des pertes de voix importantes du SPD. Ce fut encore le cas dans les scrutins récents: moins 9,1% lors des élections régionales de Bavière en septembre; moins 15,4% lors des communales du Brandebourg en octobre.

Il ne se passe en effet pas une semaine sans que le gouvernement n'annonce une nouvelle «réforme», c'est-à-dire en fait une attaque contre les travailleurs. Exactement comme ce qui se passe en France avec Raffarin. A la différence qu'en Allemagne c'est le gouvernement dit de «gauche» de Schröder, composé des sociaux-démocrates et des Verts, qui est à l'origine de ces mesures, qui s'inscrivent toutes dans un plan de rigueur draconien baptisé Agenda 2010 et qui comporte trois volets d'attaques, au niveau de la santé, de l'assurance-chômage et des retraites.

La «réforme de la santé» a été approuvée par le Parlement en septembre, avec l'appui du parti de droite, la CDU. Une «taxe de cabinet médical» de 10 euros devra être payée par trimestre, les médicaments hors ordonnance ne seront plus remboursés comme ils l'étaient, le forfait hospitalier augmentera. A partir de 2005 d'autres frais, comme les prothèses dentaires, ne seront plus remboursés par la Sécurité sociale. A chacun de se débrouiller pour prendre une assurance complémentaire. En outre, une baisse des allocations de maladie est prévue. Le ministre Joschka Fischer (un ancien soixante-huitard!) a proposé que l'on gèle les cotisations des patrons à l'avenir, pour ne pas trop leur charger la barque. Mais pas celles des salariés!

En octobre, ce sont les attaques contre les chômeurs qui ont été votées. La durée d'indemnisation du chômage doit passer de 32 mois à 12 pour les moins de 55 ans, et à 18 mois pour les 55 ans et plus. Tout refus d'emploi jugé non justifié sera sanctionné par une baisse des indemnités ou une radiation. Quant aux allocations de fin de droits, elles doivent être alignées par le bas sur l'aide sociale.

Une attaque contre les retraités est également en marche. La ministre des Affaires sociales souhaite repousser à juillet l'augmentation des retraites, normalement prévue au 1er janvier 2004. Pour les nouveaux retraités, les pensions ne seraient plus payées à l'avance mais en fin de mois, ce qui revient à voler un mois aux retraités. On discute aussi d'une élévation de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans, même si Schröder l'a repoussée pour l'instant.

Des syndicats totalement inactifs

Malgré l'ampleur de ces attaques, les dirigeants syndicaux sont encore plus passifs que dans l'Hexagone. Au printemps, un début de protestation avait été engagé. Puis le DGB l'a stoppée en décrétant une «pause», dont personne n'a encore vu la fin. Cela a laissé les mains libres à Schröder pour avancer sa réforme de la santé et sa réforme des retraites, la baisse de l'allocation chômage transformée en aide sociale. En juin, les dirigeants syndicaux ont lâché les métallos de l'Est en grève pour l'obtention des 35 heures. Et en juillet le DGB, après avoir mis en avant le principe «à travail égal, salaire égal», a signé une convention collective qui prévoit, sous prétexte de réglementer le travail précaire, des salaires de départ très bas (6,65 euros à l'Ouest et 5,93 euros à l'Est). C'est-à-dire que les intérimaires pourront désormais, légalement, être payés à des taux inférieurs à ceux des postes qu'ils occupent. Cela s'appliquera également à tous les chômeurs qui seront, selon la nouvelle loi, obligés de s'inscrire dans une «agence de service du personnel» appelée à doubler l'ANPE, pour fournir des salariés bon marché au patronat.

Tout cela entraîne un profond sentiment de dégoût parmi les travailleurs, mais aussi un sentiment d'impuissance face à la grande coalition du SPD, de la droite, du patronat, des médias et de la bureaucratie syndicale. Alors, si le succès de la manifestation du 1er novembre, aussi limité soit-il, peut contribuer à redonner le moral à tous ceux qui, dans la classe ouvrière, ne veulent pas laisser passer ces attaques sans réagir, ce sera une bonne chose.

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