Israël : Après le succès de la manifestation pour la paix05/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1840.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël : Après le succès de la manifestation pour la paix

Comme chaque année, la commémoration de l'assassinat de l'ancien Premier ministre travailliste Itzhak Rabin en novembre1995, par un militant d'extrême droite israélien, a été l'occasion d'une manifestation à TelAviv. Mais contrairement aux autres années, où les cortèges étaient plus que minces, cette fois 100000 personnes se sont rassemblées, et plus encore selon les organisateurs.

La manifestation a donc été un réel succès, qui témoigne pour le moins d'une lassitude atteignant une large frange de la population vis-à-vis de cette guerre qui n'en finit pas et qui apporte chaque jour son lot de victimes, palestiniennes tout d'abord, mais aussi et de plus en plus israéliennes.

La paix par la force des armes promise par Sharon s'avère être une tromperie, meurtrissant d'abord la population palestinienne, mais aussi la société israélienne. À l'humiliation du peuple palestinien par une politique coloniale qui a été celle de tous les gouvernements qui se sont succédé, qu'ils aient été de droite ou pendant longtemps de gauche; au terrorisme d'État systématique contre les Palestiniens; au morcellement croissant de leur territoire autonome par l'installation des colonies; à la construction d'un mur de séparation qui est ressenti comme une véritable provocation, répond un terrorisme individuel. L'un et l'autre, le terrorisme de l'État d'Israël et celui de jeunes Palestiniens désespérés s'en prenant à des civils israéliens, creusent inéluctablement un fossé entre les peuples. Au point qu'aujourd'hui cette haine accumulée de part et d'autre pourrait laisser croire que nulle politique de cohabitation fraternelle n'est désormais possible dans cette partie du monde. Mais le succès de la manifestation du 1er novembre à Tel Aviv montre qu'un courant existe, fatigué de cet interminable conflit et surtout hostile à la politique de Sharon.

Evidemment, dans ce rassemblement, bien des représentants du Parti Travailliste sont venus se montrer: et parmi eux l'inévitable Pérès, qui tour à tour fut un des artisans des accords d'Oslo en 1993, destinés à exiger de l'Autorité palestinienne qu'elle mette fin à la première Intifada que n'était pas parvenue à réduire l'armée israélienne; celui qui avec Rabin fit durer les négociations puis divisa la Cisjordanie en trois zones à statuts différents; celui encore qui lança la meurtrière offensive israélienne au Sud-Liban baptisée «Raisins de la colère»; celui enfin qui fut un long temps ministre dans un gouvernement présidé par Sharon.

Le Parti Travailliste israélien tente aujourd'hui de se donner un visage de partisan de la paix. On peut lier à cela le fait que, depuis plusieurs semaines déjà, des représentants du Parti Travailliste, dont Yossi Beilin, un ancien ministre, et Avraham Burg, un ancien président du Parlement israélien, sont en pourparlers avec des représentants palestiniens en vue d'élaborer un plan de paix qui, bien que non officiel, se donne comme objectif une «réconciliation historique entre les Palestiniens et les Israéliens», pour aboutir à une «réconciliation entre le monde arabe et Israël».

Ce plan, dont on ne connaît pas encore toute la teneur, devrait être symboliquement ratifié à la mi-novembre à Genève. Pour ce que l'on peut en savoir, ce plan, qui aurait l'aval de l'Autorité palestinienne, ne présente pas de grandes originalités lorsqu'on le compare à nombre de ses prédécesseurs. Et même s'il prévoit une rétrocession plus importante du nombre des colonies, les plus importantes d'entre elles seront intégrées à Israël. En contrepartie, les Palestiniens recevraient de nouveaux territoires, pour que l'échange des superficies soit égal. Seulement, du côté israélien, il s'agirait de zones urbanisées, tandis que les Palestiniens hériteraient, eux, de terres désertiques.

Qui plus est, bien des points resteraient encore en suspens, comme la situation qui prévaudrait dans la vallée du Jourdain, à la frontière jordanienne. Et surtout, les concessions que les représentants travaillistes israéliens disent vouloir faire concernant la question des réfugiés ou la libération des prisonniers s'étaleraient dans le temps, donnant à la partie israélienne la possibilité de revenir sur ses engagements, comme elle l'a déjà fait à maintes reprises par le passé.

Ceux qui, jusqu'au chef d'état-major de l'armée israélienne, pourtant responsable de bien des crimes, critiquent aujourd'hui la politique de Sharon, ne sont pas tous, loin s'en faut, des partisans réels de la paix. Seulement, devant l'impossibilité qu'il y a à vaincre la résistance palestinienne, certains vont chercher à mettre en oeuvre une autre politique, comme l'avaient fait en leur temps Rabin et Pérès, sans pour autant vouloir reconnaître aux Palestiniens tous les droits nationaux qu'ils revendiquent. Si c'est cette voie qui devait être empruntée, elle aboutirait à de nouvelles impasses.

Aujourd'hui, le Parti Travailliste et Pérès sont en panne de postes gouvernementaux. Mais si de nouveau ces mêmes politiciens revenaient aux affaires, ils trahiraient à n'en pas douter les espoirs de ceux qui en ont assez de cet interminable conflit et qui le clament actuellement.

Seule la reconnaissance immédiate du droit pour les Palestiniens à avoir un État qui leur soit propre, seul un retrait immédiat et sans condition de tous les colons installés en Cisjordanie et à Gaza pourraient être une base de départ honnête pour des négociations où les Palestiniens recouvreraient les droits égaux pour lesquels ils se battent depuis plus d'un demi-siècle maintenant.

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