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Dans les entreprises
SNCM (Marseille) : Référendum sous pression
La direction de la SNCM (Société Nationale Corse Méditerranée) s'est livrée à un véritable chantage pour faire accepter par les marins son «projet industriel», c'est-à-dire 200 suppressions d'emplois.
Ce projet établi il y a deux ans prévoyait la réorganisation des horaires de travail, la suppression de 300 emplois sur l'ensemble de la SNCM. Celle-ci doit bénéficier d'une recapitalisation de 76 millions d'euros pour assurer la «continuité territoriale» entre la Corse et le continent. Jusqu'à présent l'État a versé chaque année une subvention, maintenant attribuée à l'Assemblée corse qui la répartit entre différentes sociétés de transport, maritimes ou autres, de son choix.
Chez les sédentaires, ce projet accepté par la CGT et d'autres syndicats, a été mis en place depuis plusieurs mois. 90 emplois ont été supprimés (sans licenciement). Les marins et le syndicat CGT marins refusaient quant à eux son application.
Expliquant que la commission européenne s'opposerait au versement des 76 millions d'euros si le projet n'était pas accepté dans sa totalité, le PDG s'est donné beaucoup de mal pour le faire passer en force.
Il a déclaré qu'il n'irait pas «chercher le chèque» si, le projet n'étant pas accepté, il se sentait personnellement désavoué. Et il a fait envoyer à chaque marin le texte du projet ainsi qu'un bulletin de vote. Chaque marin devait renvoyer sa réponse: «oui» ou «non» acceptait-il le projet dans son ensemble? Il avait dix jours, entre le 13 et le 23 octobre, pour se prononcer. Des assemblées générales ont eu lieu sur certains bateaux où les représentants CGT marins disaient en substance: «On n'appelle à voter ni oui ni non, mais ce serait quand même plus raisonnable si le oui l'emportait». Le STC (Syndicat des travailleurs corses) et la CFDT appelaient à voter «non».
Chez les sédentaires aussi, la direction mettait la pression. Elle organisait des réunions leur demandant d'user de leur influence auprès des marins qu'ils connaissaient pour les inciter à voter «oui» car, si le non l'emportait, la Compagnie fermerait par la faute des marins.
C'était aussi l'argument utilisé chez les marins: s'ils votaient «non», il faudrait vendre des bateaux, réduire encore plus les effectifs, avec de mauvaises conditions tant pour ceux qui partiraient que pour ceux qui resteraient, et la Compagnie serait en péril. Des articles dans la presse locale appuyaient cette thèse.
Les marins n'ont guère eu le temps de confronter ces arguments à d'autres opinions, d'autant plus que certains étaient en congé chez eux tandis que d'autres étaient embarqués. Soumis à ces pressions, les marins votaient à plus de 72% pour le «oui», avec une participation de 82%.
C'était, paraît-il, la Commission européenne qui imposait ces choix, pourtant d'autres choix étaient possibles. C'est ainsi que l'État grec, qui n'est pourtant pas le plus influent des États à la Commission européenne, fait assurer la desserte maritime des nombreuses îles grecques par un service public maritime.
Assurer la liaison Corse-continent est bien aussi indispensable à la collectivité. Ce doit être un service public.
La direction se croit maintenant les mains libres pour supprimer près de 200 emplois de marins, alors que ceux-ci sont déjà très sollicités en plus des heures de service à bord. Ce sont les marins non encore titulaires qui risquent d'être les premiers visés par ces suppressions d'emplois. Mais les marins n'ont pas à se sentir liés par un vote ainsi extorqué.