Il y a 100 ans - L'instauration du service militaire obligatoire en Algérie : Un seul droit, celui de mourir pour l'impérialisme22/02/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/02/une2273.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a 100 ans - L'instauration du service militaire obligatoire en Algérie : Un seul droit, celui de mourir pour l'impérialisme

Il y a tout juste cent ans, le 3 février 1912, le gouvernement français publiait un décret instaurant le service militaire obligatoire pour les « indigènes » d'Algérie.

Conquise à partir de 1830, l'Algérie avait été directement rattachée à la France en 1848, et divisée en trois départements dépendant du ministère de l'Intérieur. Mais les natifs de ce pays, les Arabes et les Kabyles, ne disposaient pas de la nationalité française et n'avaient aucun des droits accordés aux « étrangers » venus de métropole : droit de vote limité à une minorité de notables, accès à l'instruction restreint, accès aux emplois publics quasi nul. En contrepartie, n'étant pas des citoyens français à part entière, ils n'avaient pas à effectuer de service militaire... jusqu'à ce que la loi de 1912 les y contraigne.

Dans ce domaine aussi, l'inégalité prévalut. La durée du service militaire était de trois ans, contre deux pour les Français. Ils furent recrutés par tirage au sort, système abandonné pour les autres en 1905, le nombre d'appelés étant fixé chaque année par le ministère de la Guerre en fonction des besoins. Et s'ils touchaient une solde plus importante que les autres appelés, versée en deux fois, ils n'avaient aucun espoir de devenir gradés. Ce système allait durer jusqu'à l'indépendance de l'Algérie, en 1962.

Dès le début de l'occupation du territoire, l'armée française avait fait appel à des volontaires algériens, les Spahis et les Tirailleurs, pour réprimer des soulèvements en Algérie même, comme à Laghouat en 1852, ensuite en Tunisie et au Maroc. Sous le Second Empire et la Troisième République, ils furent aussi une force d'appoint dans les guerres coloniales, en Cochinchine, au Tchad ou au Sénégal, ou dans des conflits opposant les impérialismes entre eux, comme en Crimée en 1854-55. Ils servirent aussi de chair à canon en France lors de la guerre de 1870-71 qui l'opposait à l'Allemagne.

En 1912, l'état-major français avait besoin de troupes supplémentaires pour intervenir au Maghreb, mais surtout en vue du conflit impérialiste mondial qui menaçait. Depuis 1907, des soulèvements de populations se produisaient au Maroc contre la présence française. Connaissant la région, parlant la même langue et plus habitués aux conditions climatiques, des soldats algériens servirent de supplétifs à l'armée française pour réprimer ces mouvements dans des campagnes dites « de pacification ».

Le Maroc était aussi objet de convoitise de l'impérialisme allemand, qui voulait sa part de colonies en Afrique, s'opposant aux prétentions de la France, de la Grande-Bretagne et aussi de l'Espagne située à quelques encablures de ce pays. « Une nuée d'orage impérialiste s'est levée dans le monde capitaliste », dit Rosa Luxemburg à propos des tractations entre les puissances qui se disputaient le Maroc. En 1911, la guerre entre pays impérialistes rivaux apparaissait imminente. Lever et former des troupes en Algérie permettait à l'État français de ne pas allonger plus la durée du service militaire en métropole et de garder dans les usines et dans les champs une main-d'oeuvre indispensable dans la perspective d'une guerre mondiale - mais cela ne dura qu'une année car en 1913, les Français furent à leur tour contraints d'effectuer trois ans de service.

En 1916, en pleine Première Guerre mondiale, les Algériens arabes et kabyles furent réquisitionnés pour fournir à l'État français des soldats, ainsi que des travailleurs dans les usines de guerre et dans les champs, afin de combler les vides causés par les massacres du front. 175 000 soldats algériens furent envoyés au combat pendant la guerre de 1914-1918 ; 36 000, soit un sur cinq, y laissèrent la vie, sacrifiés à la défense de l'impérialisme français.

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