Bangladesh, catastrophe du Rana Plaza : Le combat des ouvrières pour se faire indemniser09/04/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/04/une2384.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bangladesh, catastrophe du Rana Plaza : Le combat des ouvrières pour se faire indemniser

Lundi 7 avril, Shila Begum, une jeune ouvrière rescapée de la catastrophe du Rana Plaza, est venue en France pour dénoncer le refus de certains donneurs d'ordres, comme Auchan et Carrefour, de verser les indemnités dues.

Il y a un an, dans la banlieue de Dacca au Bangladesh, un immeuble abritant des ateliers textiles, s'effondrait littéralement sur les milliers d'ouvrières qui y travaillaient. On a recensé plus de mille morts, auxquels s'ajoutent les nombreux disparus, estimés à 300, 500, voire 600, et environ 2 000 blessés.

Aujourd'hui, bien des ouvrières du Rana Plaza sont devenues invalides, ayant perdu l'usage d'un bras ou de leurs jambes. Elles n'ont pas pu retrouver de travail alors qu'elles sont, pour beaucoup d'entre elles, unique soutien de famille en tant que veuves ou divorcées. Certaines sont aujourd'hui expulsées de leur logement, qu'elles ne peuvent plus payer.

Le gouvernement a commencé à verser des indemnités à celles qui réclamaient, de l'ordre de 500 euros, en particulier pour payer les soins dont elles ont eu besoin après l'accident. Mais le fonds d'indemnisation auquel les fabricants et les multinationales donneuses d'ordres devaient contribuer est resté quasiment vide : il n'a rassemblé à ce jour que 7 millions de dollars, alors que les besoins sont estimés à 40 millions, pour dédommager les victimes de leurs pertes de revenus et de leurs frais médicaux.

Les témoignages des ouvrières et l'inspection des décombres par des militants syndicalistes ou des membres d'ONG ont pu recenser une quarantaine de grandes marques dont les vêtements étaient fabriqués dans cet immeuble. De nombreuses multinationales du prêt-à-porter et de la grande distribution des pays occidentaux sont impliquées, mais certaines d'entre elles, comme Auchan ou Carrefour, nient toujours l'évidence, affirment qu'elles n'étaient pas au courant et, par conséquent, refusent de contribuer au fonds d'indemnisation.

Pourtant, si ces trusts se sont détournés de la Chine et ont choisi le Bangladesh depuis une trentaine d'années pour la production de leurs vêtements, c'est avant tout pour la surexploitation des ouvriers et les bas salaires qui y sont pratiqués : les ouvrières du Rana Plaza touchaient environ 40 euros par mois pour 10 heures de travail quotidien à une cadence infernale, sept jours sur sept, et parfois de nuit.

Aujourd'hui, suite au mouvement d'indignation que la catastrophe a suscité dans le pays, suite aux grèves et aux manifestations de centaines de milliers d'ouvriers du textile, quelques usines parmi les plus dangereuses ont été fermées et le salaire minimum a été un peu augmenté. Du coup, les grandes marques du prêt-à-porter occidental commencent à quitter le Bangladesh pour l'Éthiopie aux salaires plus bas encore ! Les capitalistes du secteur comptent ainsi maintenir les 40, 50, voire 70 % de marge qu'ils réalisent sur la vente de leurs vêtements.

Dans leur lutte contre les fabricants assassins et leurs donneurs d'ordres, les ouvrières bangladaises n'ont rien à attendre de leur gouvernement, corrompu et étroitement lié au patronat local. Elles n'ont rien à attendre non plus des gouvernements du monde occidental qui, au pire, ferment les yeux et, au mieux, ont adopté une loi contraignant les multinationales impliquées à un devoir de « vigilance », sous peine d'amendes et de poursuites pénales. En France, une proposition de loi de cette nature est rejetée par le Medef et le gouvernement, et est toujours en attente d'une date de délibération à l'Assemblée.

L'ouvrière Shila Begum, accompagnée de la militante syndicaliste Safia Parveen, réclame aujourd'hui justice aux capitalistes responsables de la catastrophe, au nom de toutes les victimes. Elles ont droit à la solidarité de tous les travailleurs et de toutes les organisations ouvrières en France et en Europe.

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