Déserts médicaux : La rançon de la médecine libérale12/02/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/02/une2376.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Déserts médicaux : La rançon de la médecine libérale

Lundi 10 février, la ministre de la Santé Marisol Touraine s'est félicitée de l'efficacité de son « pacte territoire santé » lancé il y a un an pour lutter contre la pénurie de médecins. 200 jeunes généralistes nouvellement diplômés auraient fait le choix, comme leur propose le pacte, de s'installer là où on a besoin d'eux.

En échange la Sécurité sociale leur garantit, si le nombre de consultations n'est pas suffisant pour le leur assurer, un complément de salaire pour atteindre un revenu net mensuel d'environ 3 700 euros. Et la ministre envisage la création de 200 postes supplémentaires de ces « praticiens territoriaux de médecine générale » pour 2014. Voilà qui ne règlera pas grand-chose alors que dans les prochaines années on s'attend à une pénurie de près de 4 000 médecins, liée aux départs en retraite.

Depuis des dizaines d'années, la sonnette d'alarme est régulièrement tirée pour dénoncer les « déserts médicaux ». Dans de nombreuses régions, les délais d'attente s'allongent pour prendre un rendez-vous, notamment avec certains spécialistes, dépassant et de loin les conditions qui garantiraient pour tous le droit à la santé. C'est qu'il y a effectivement à l'échelle du territoire un manque de médecins.

Ce déficit est une conséquence du numerus clausus, un quota qui limite chaque année le nombre d'étudiants admis à poursuivre leurs études médicales. Mis en place par l'État dans les années 1970 afin de limiter les dépenses de santé, et avec la bénédiction de la plupart des médecins qui voyaient dans la limitation de la concurrence la promesse du maintien de leurs revenus, il est tombé à 3 500 postes par an en 1990. Depuis il a régulièrement été relevé pour atteindre 7 500 postes en 2013. Mais comme il faut une dizaine d'années pour former un médecin, son effet néfaste n'est pas près de s'estomper.

Une organisation garantissant l'accès aux soins pour tous exigerait la suppression de ce numerus clausus afin de former autant de médecins que nécessaire pour toute la société. Et puis l'installation géographique des jeunes médecins – qui bénéficient pendant toute leur formation des infrastructures payées par l'argent public – devrait être organisée en fonction des besoins ; de la même manière que l'installation des jeunes enseignants se fait en fonction des besoins de la collectivité. Mais à la seule évocation de cette éventualité, dans leur immense majorité, les médecins crient au collectivisme. Alors que leur revenu est assuré par les remboursements de la Sécurité sociale, c'est-à-dire par l'argent de la collectivité, beaucoup refusent toute contrainte et exigent de s'installer là où ils le veulent, là où il fait bon vivre et là où la médecine promet d'être la plus lucrative.

C'est cette liberté d'installation, avec pour seule boussole la rentabilité financière, qui fait qu'il n'y a pas de pénurie de médecins sur la Côte d'Azur mais que des banlieues, des régions rurales et autres régions pauvres sont de véritables « déserts médicaux ». C'est la rançon de l'exercice de la médecine libérale dans laquelle l'appât du gain prend le pas sur la vocation de soigner ses semblables.

Partager