Afrique du Sud : Les ouvriers du platine ont repris la lutte12/02/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/02/une2376.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afrique du Sud : Les ouvriers du platine ont repris la lutte

Le 23 janvier, quelque 100 000 mineurs du bassin du platine de Rustenburg, dans le nord-ouest de l'Afrique du Sud, se sont mis en grève pour imposer un salaire minimum mensuel de base de 12 500 rands (825 euros). Depuis le 3 février, les 3 000 ouvriers des raffineries de platine de Rustenburg, les seules qui continuaient à fonctionner dans le pays, ont rejoint la grève.

Depuis, la production de platine des trois géants du secteur, Anglo Platinum, Impala Platinum et Lonmin, est totalement arrêtée, tant celle d'Afrique du Sud que celle du Zimbabwe, qui est raffinée en Afrique du Sud. Les grévistes ont multiplié manifestations, barricades et barrages routiers, qui ont donné lieu à des affrontements avec la police dans tout le bassin. C'est au cours de l'un de ces affrontements qu'un mineur militant syndical a été abattu par balle par la police, le 7 février.

Les ouvriers de ces mêmes mines avaient été l'élément moteur de la grande grève qui, après l'assassinat de 34 mineurs grévistes du complexe Lonmin de Marikana par la police, en août 2012, s'était étendue à l'ensemble du secteur minier et l'avait paralysé pendant plus de deux mois. Néanmoins, les conditions dans lesquelles se déroule la grève actuelle sont bien différentes.

En 2012, le NUM, le syndicat national des mineurs, lié au pouvoir de l'ANC comme au patronat minier, était seul reconnu dans la plupart des mines. La grève était partie d'un mouvement de colère, tant contre la direction de Lonmin que contre l'appareil du NUM. C'était une grève sauvage et il en avait été de même du mouvement général qui avait suivi après le massacre de Marikana.

En 2014, le NUM a perdu son monopole dans le platine où il a été remplacé par AMCU (Alliance syndicale des mines et de la construction), syndicat formé à l'origine par des exclus du NUM, qui connut une ascension météorique après la grève de 2012. Dans les mines des trois grandes compagnies du platine, AMCU revendique aujourd'hui 60 % d'adhérents et est le seul syndicat reconnu.

Par ailleurs, cette grève se déroule cette fois dans le cadre légal de la renégociation des accords collectifs salariaux du secteur avec la Chambre des mines. Pour les dirigeants d'AMCU, cette négociation revêt une importance particulière, parce que c'est leur premier accord collectif national et ils comptent bien s'en servir pour avancer dans leur objectif de déloger le NUM dans l'ensemble du secteur minier.

On est donc loin du caractère explosif de la grève de 2012, loin aussi des formes d'organisation spontanées que s'étaient données alors les grévistes et de la façon dont ils avaient étendu eux-mêmes leur mouvement. Au lieu de cela, les rivalités et les calculs d'appareil tiennent cette fois-ci une place de premier plan.

Ainsi les ouvriers des raffineries de Rustenburg ont rejoint la grève des mineurs, mais ils sont organisés par le syndicat de la métallurgie NUMSA, le plus grand syndicat du pays, et la direction d'AMCU a fait savoir qu'elle ne voulait rien avoir à faire ni avec cette grève ni avec NUMSA. Ce dernier a pourtant été le seul des grands syndicats à soutenir activement les mineurs en 2012 et la grève des raffineries contribue effectivement à renforcer celle des mineurs. Mais la direction d'AMCU tient avant tout à son corporatisme.

Les mineurs du platine n'ont donc pas forcément gagné au change avec le remplacement du NUM par AMCU. Mais ils n'ont pas vécu la grève de 2012 sans avoir appris au passage quantité de choses, et leur combativité ne fait aucun doute. Alors s'ils ont pu prendre la mesure du NUM et se battre non seulement sans lui mais contre lui en 2012, on peut espérer qu'ils sauront aussi jauger les dirigeants d'AMCU et se donner une direction qui représente, elle, réellement leurs intérêts.

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