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Leur société
Île de la Réunion : La colère contre les bas salaires et la vie chère
Durant plusieurs jours, le mécontentement contre la vie chère, le manque d'emplois, les bas salaires, s'est fortement exprimé à la Réunion. Des affrontements ont eu lieu la nuit entre des groupes de jeunes et la police. Ces jeunes ont été montrés du doigt, insultés, traités de casseurs.
Mais qui sont les casseurs ? Les jeunes qui en ont assez de la vie insupportable qu'on leur impose, et dont bien plus de la moitié ne trouvent pas de travail, ou ceux qui sont responsables d'une telle situation ? Beaucoup de travailleurs réunionnais ont vu avec sympathie la colère s'exprimer ; une colère qui couve d'ailleurs depuis longtemps déjà.
C'est la protestation des patrons transporteurs qui a été à l'origine de l'étincelle qui a embrasé l'île. À l'annonce de l'augmentation des carburants et du gaz au 1er février, ils ont revendiqué une baisse des carburants de 25 centimes. Malgré leur démagogie faite autour d'une baisse " pour tous ", c'est évidemment pour eux que ces patrons revendiquaient. Mais se sentant elle aussi concernée, la population s'est également mobilisée.
Les transporteurs ont bloqué les routes les 14 et 15 février et obtenu à un prix préférentiel du gazole. Cette baisse de prix, payée sur les deniers publics, devrait coûter environ 10 millions d'euros pour l'année 2012. En revanche, pas un centime n'a été demandé à la Société réunionnaise des produits pétroliers (SRPP), filiale de Total et Shell qui fait pourtant tous les ans d'énormes bénéfices.
Comme la baisse obtenue était encore loin des 25 centimes par litre demandés, le mouvement a continué par le blocage des accès de la SRPP dans la ville du Port. C'est lors de ce blocage que les transporteurs ont été rejoints par près de deux cents habitants de la ville qui demandaient à pouvoir bénéficier eux aussi d'une diminution du prix du carburant et que celle-ci soit étendue à des produits de première nécessité.
La colère s'est ensuite répandue non seulement au Port mais dans le quartier du Chaudron à Saint-Denis, et les jours suivants à Saint-Pierre, Saint- André ou Saint-Benoît. Les jeunes n'étaient pas seuls dans les rues, au Chaudron des pères et mères de famille sont aussi venus crier contre la vie chère. Des habitants se sont retrouvés à quelques dizaines, voire à quelques centaines parfois pour discuter de la situation, dire ce qu'ils avaient sur le coeur et justifier les revendications qu'ils jugent indispensables. De tels rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes à l'initiative de diverses associations ou simplement d'individus.
De la même façon, il y avait du monde, majoritairement des travailleurs ou des chômeurs, vendredi 24 février devant les grilles de la préfecture pour savoir ce qui allait sortir de la table ronde entre " les acteurs légitimes de la vie politique, économique et sociale ", desquels étaient exclus d'ailleurs les syndicats des salariés. Cette réunion, initialement prévue pour discuter des prix des carburants et uniquement avec les transporteurs, a été finalement élargie à d'autres catégories sociales et à la question de la vie chère.
Mais quelle déception quand, au bout de cinq heures, n'ont été annoncées que des mesures dérisoires : huit centimes de baisse sur les carburants pour tout le monde, la bouteille de gaz à 15 euros comme annoncé en début de mois, la baisse ou le gel des prix de quarante produits de première nécessité et la création d'une zone de stockage des carburants, censée concurrencer à terme la SRPP. Ces mesurettes, si elles voient le jour, seront financées presque exclusivement sur les deniers publics, par le biais de ponctions sur les taxes perçues par l'État et les collectivités locales. Les patrons de la SRPP contribueront quant à eux à hauteur de deux centimes. Même pas de quoi égratigner leurs profits !
Malgré tout, si les gouvernants ont finalement lâché quelque chose, c'est parce qu'ils craignent les colères populaires. Alors, autant que celles-ci s'expriment et mettent en avant les objectifs qui s'imposent : l'interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous et la création par l'État d'emplois utiles. Il faudrait imposer également le contrôle sur les comptes et sur les prix des grandes sociétés de distribution, responsables de la vie chère, et indexer les salaires sur l'inflation.