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Dans les entreprises
Renault supprime 3 000 postes de travail et augmente l'exploitation
Les médias ont largement relayé l'annonce faite par Renault le 23 novembre d'un plan de départs anticipés dès cinquante-huit ans. Le texte sur le recul de l'âge de départ à la retraite venant juste d'être publié au Journal officiel du 10 novembre, les commentateurs n'ont parfois pas hésité à présenter cela comme une sorte de fronde du PDG de Renault.
L'annonce d'une possibilité de partir plus tôt a bien évidemment soulagé bon nombre de travailleurs qui avaient vu s'envoler cet espoir depuis l'arrêt en 2006 du dernier plan de départs anticipés. Mais, malheureusement pour eux, tous ceux qui ont exercé les métiers les plus pénibles ne pourront pas pour autant partir plus tôt.
Et puis surtout - de cela aucun média ne s'est fait l'écho - il ne s'agit que d'un aspect d'un plan plus général. Profitant de ce que le dispositif rencontre l'adhésion de tous ceux qui espèrent en bénéficier, la direction de Renault veut mettre en place toute une série de mesures dirigées contre les travailleurs pour diminuer encore les effectifs.
Ce plan de départs comporte de nombreuses restrictions écartant de fait presque tous les travailleurs qui ne sont pas en production. Il est de plus limité dans le temps. Il est en principe réservé aux salariés de production de plus de 58 ans, ayant quinze ans de chaîne, ou 10 % d'invalidité, ou une restriction d'aptitude mais... à condition qu'ils puissent liquider leur retraite à taux plein dans les trois ans. Cette seule condition écarte de fait nombre de travailleurs, notamment immigrés, travaillant ou ayant travaillé sur les postes durs largement plus longtemps que quinze ans, souvent plus de trente ans, mais qui n'auront pas pour autant acquis toutes leurs annuités dans ce laps de temps.
Les chiffres communiqués par la direction sont d'ailleurs éloquents : elle distingue l'effectif potentiel et l'effectif de ceux qui pourraient adhérer à son dispositif, les seuls qui, de fait, pourraient réellement partir. Sur 6 396 travailleurs concernés, ils sont moins de la moitié : 2 959.
Et puis tous ces départs n'entraîneront pas pour autant des embauches. Ceux qui restent devront, cette fois encore, subir une aggravation de leurs conditions de travail, et ce d'autant plus que la baisse de l'effectif ne va pas se faire que par ce biais.
La direction cherche par tous les moyens à augmenter la productivité. Avec ce plan, elle systématise aussi la pratique des « prêts » de personnel entre les divers établissements du groupe, pratique que l'on connaît depuis fin 2008. Ainsi dans les ateliers de Flins sont venus de nombreux travailleurs de Cléon, de Sandouville, et même de Douai, usines qui connaissent les jours de chômage à répétition. C'est en fait un système d'intérim interne à Renault, qui lui évite d'embaucher quitte à bousculer la vie des travailleurs. Concrètement, après la flexibilité des horaires de travail, maintenant, c'est la flexibilité du site où l'on travaille.
Mais il y a encore pire : c'est la mobilité pour, paraît-il, « découvrir un nouvel emploi ». La direction veut aussi institutionnaliser les mobilités à l'extérieur de Renault, les prêts de main-d'oeuvre par convention, et les mutations concertées dans d'autres entreprises à titre provisoire ou définitif.
Ceux qui pourront bénéficier de ce plan et partir en préretraite à cinquante-huit ans en seront très certainement contents. Mais, en l'absence d'embauche, il entraînera une aggravation des conditions de travail et de vie pour tous ceux qui resteront dans les ateliers et les bureaux.
Ce n'est pourtant pas une fatalité. Renault a accumulé des bénéfices pendant ces années. Au premier semestre 2010, le bénéfice a été de 823 millions d'euros. L'entreprise a donc les moyens de maintenir le nombre d'emplois, en répartissant le travail entre tous, tout en garantissant les salaires. C'est à cela qu'il faudra contraindre Renault.