Portugal : Succès de la grève générale01/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2209.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

Dans le monde

Portugal : Succès de la grève générale

La grève générale du mercredi 24 novembre a été un succès. Les travailleurs portugais ont répondu massivement à l'appel des deux centrales syndicales du pays contre le plan d'austérité du gouvernement socialiste, qui a décidé à la fois de baisser les salaires, d'augmenter les impôts et de diminuer les prestations sociales.

Le plus visible dans ce mouvement a été la paralysie à peu près totale des transports et des services publics. À Lisbonne et à Porto, le métro était fermé, tout comme les navettes fluviales entre Lisbonne et les banlieues populaires de la rive sud du Tage. Dans les aéroports, cinq cents vols ont été annulés, de même que les trois quarts des trains et plus de la moitié des autobus. Les ports de Lisbonne et de Setubal étaient paralysés.

Dans l'éducation, la santé et la Sécurité sociale la grève a été suivie à 90 % selon les syndicats, avec des écoles fermées et des hôpitaux en service minimum, les entrées réduites aux urgences. Les poubelles n'ont pas été ramassées dans toute une partie du pays. Les pompiers, les employés de la justice, les gardiens de prison ont largement suivi le mouvement, les policiers et gendarmes faisant la grève des contraventions. Les services diplomatiques eux-mêmes ont été atteints : ainsi, en Chine, le consulat de Macao a dû fermer ses portes faute d'employés.

La mobilisation semble aussi avoir été forte dans le privé, même si la ministre du Travail prétend le contraire, en comptabilisant en même temps que les usines les ateliers familiaux, l'artisanat, les petits commerces, et même les travailleurs des « reçus verts », ces prestataires de services faussement indépendants qui fleurissent jusque dans la fonction publique. En particulier les travailleurs des banques et des usines de l'automobile, de la pâte à papier, de la chaussure et du liège ont massivement fait grève. Dans la grosse usine Autoeuropa de Palmela, du groupe Volkswagen, 90 % des 3 600 travailleurs ont débrayé. Cette participation du privé contredit la propagande patronale et gouvernementale opposant les fonctionnaires aux salariés du privé.

Les directions syndicales peuvent donc dire qu'elles ont réussi la plus grande grève jamais vue dans le pays. Le secrétaire général de la CGTP estime qu'il y a eu trois millions de grévistes, un salarié sur deux dans un pays qui a un peu moins de 12 millions d'habitants.

Mais, cette démonstration réussie, comment faire reculer gouvernement et patronat ? Car eux n'ont pas bougé. La ministre du Travail a répété que la marge de manoeuvre du gouvernement était « pratiquement nulle ». Le 26 novembre le Parlement a adopté le budget draconien contre lequel le monde du travail avait manifesté deux jours plus tôt. « Il n'y a pas d'autre alternative pour sortir le Portugal du centre d'une crise financière de grandes dimensions », a déclaré le Premier ministre socialiste, José Socrates.

Les « marchés », c'est-à-dire les organismes financiers, continuent à spéculer sur la dette publique portugaise. Ils font tout pour que le gouvernement, comme celui de l'Irlande dernièrement, fasse des emprunts gigantesques à la Banque centrale européenne ou au Fonds monétaire international (FMI), emprunts qui serviront à la fois à « sauver » une fois de plus les banques (c'est-à-dire les mêmes financiers) et à leur servir des intérêts pendant des années.

Face à ces attaques qui ne faiblissent pas, les directions syndicales portugaises ne proposent que l'ouverture de négociations. La CGTP, proche du Parti Communiste, félicite longuement les travailleurs pour leur combativité, mais limite son discours à réclamer que le smic passe de 475 à 500 euros et à dénoncer « des politiques imposées de l'extérieur qui provoquent appauvrissement, récession et chômage ». Cela revient à excuser ministres et patrons portugais, et à reconnaître que les travailleurs n'ont aucun moyen réel de pression, puisque le mal vient de « l'extérieur ». Pourtant une grève aussi forte, à la mesure de l'attaque gouvernementale, appelle une suite à la hauteur des enjeux.

Partager