Côte d'Ivoire, Haïti : Les démocraties de la trique et de la misère01/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2209.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

Editorial

Côte d'Ivoire, Haïti : Les démocraties de la trique et de la misère

Dimanche 28 novembre était jour d'élection en Haïti et en Côte d'Ivoire. Ces deux pays sont sur deux continents différents, l'un en Amérique, l'autre en Afrique, à des milliers de kilomètres de distance l'un de l'autre. Mais ils ont ceci en commun qu'ils ont été tous les deux colonisés par la France et qu'ils en portent encore aujourd'hui les stigmates. Ils ont aussi en commun d'avoir été pillés, appauvris, par la même bourgeoisie qui nous exploite ici.

Haïti a été colonie française pendant deux siècles. Sa population d'origine a été massacrée pour être remplacée par des femmes et des hommes déportés d'Afrique, transformés en esclaves pour cultiver les champs de canne à sucre. Ce sucre, produit de luxe à l'époque, qui a fait d'Haïti la colonie la plus riche de la France d'alors.

Nombre de grandes familles bourgeoises de France ont bâti leur fortune par le trafic d'êtres humains et par la sueur et le sang d'esclaves travaillant dans les champs de canne. Cela a duré jusqu'à ce que les esclaves se révoltent et se libèrent eux-mêmes en chassant les troupes françaises de Napoléon Bonaparte.

Ni la bourgeoisie française, ni ses comparses des autres nations bourgeoises n'ont jamais pardonné aux esclaves d'Haïti d'avoir rompu leurs chaînes. Leur coalition réussit, avec la complicité des dirigeants locaux, à imposer que les anciens esclaves dédommagent les anciens propriétaires. Haïti fut littéralement étranglé. La plus riche colonie devint le pays le plus pauvre d'Amérique.

La Côte d'Ivoire, elle, a été colonisée bien plus tard. Mais, pendant le court siècle où elle a subi la domination coloniale de la bourgeoisie française, elle a aussi connu tout ce qui allait avec : le pillage de ses richesses naturelles, le travail forcé pour construire les ports, le chemin de fer, les routes, nécessaires à l'évacuation de ce qui était pillé, la mainmise sur ses principales richesses agricoles, le café et le cacao. Lorsque la bourgeoisie française a commencé à se dégager de ses colonies, elle a confié le pouvoir à Houphouët-Boigny, ancien ministre du gouvernement français, à qui son origine ivoirienne a valu de devenir le dictateur du pays grâce à l'armée française laissée sur place.

Le drapeau français a été remplacé par le drapeau ivoirien, mais le pillage économique du pays a continué et continue encore aujourd'hui. Le port, le chemin de fer, l'aéroport, les banques, les principales usines sont entre les mains de groupes capitalistes, essentiellement français, comme Bolloré, et les grands chantiers de construction continuent à enrichir Bouygues et ses semblables.

Voilà deux pays qui ont subi ou subissent encore la dictature de « nos » groupes capitalistes. Deux pays où une partie plus ou moins importante des classes populaires subit une autre dictature, celle de la faim qui menace. Deux pays dont on enfonce la population dans la pauvreté, mais auxquels les grandes puissances qui les pillent offrent généreusement des bulletins de vote.

C'est particulièrement révoltant dans le cas d'Haïti. Pendant que le pays reste en ruines après le tremblement de terre et qu'aucun programme de reconstruction n'a été entamé ; pendant qu'une partie de la population survit dans des campements de fortune et que l'épidémie de choléra sévit, les grandes puissances ont offert à quelques candidats de quoi se payer des affiches géantes collées sur les murs qui restent debout !

Le président dont le nom sortira des urnes sera inévitablement un pantin que les plus grandes puissances pourront manipuler à leur guise. Mais qu'importe : elles appellent cela la démocratie !

De même elles parleront de « retour à la démocratie » en Côte d'Ivoire, si l'un ou l'autre des deux candidats restés en lice pour le deuxième tour, Gbagbo et Ouattara, peut s'installer au palais présidentiel sans que la proclamation du résultat ne provoque trop de massacres entre les partisans des deux camps, dressés l'un contre l'autre depuis des années par une démagogie ethniste abjecte. Mais les machettes sont déjà sorties et, si la proclamation du résultat provoque un bain de sang, les dirigeants du monde lèveront les bras au ciel et diront que, décidément, ces peuples ne sont pas mûrs pour la démocratie.

Les infâmes hypocrites ! Cette démocratie dont se vantent les puissances impérialistes, comme la France, a poussé sur l'esclavage colonial de peuples d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique. Et tant que dure le capitalisme, au mieux les pays pauvres n'ont droit, en guise de démocratie, qu'aux caricatures qui s'installent à Port-au-Prince et à Abidjan.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 29 novembre

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