Au Mirail (Toulouse) : Entre voitures incendiées et occupation policière17/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1946.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Au Mirail (Toulouse) : Entre voitures incendiées et occupation policière

Depuis dix jours, des habitants du quartier de la Reynerie au Mirail, un quartier populaire de Toulouse, se regroupaient tous les soirs place Abbal, à la sortie du métro, pour tenter d'éviter le pire dans les affrontements entre jeunes et CRS.

Les premiers soirs, les habitants qui sortaient du métro ne pouvaient pas rentrer chez eux, car des cordons de CRS bloquaient les entrées des immeubles. Il fallait calmer des jeunes qui voulaient en découdre, et demander aux CRS de reculer pour laisser les habitants, jeunes ou vieux, rentrer chez eux.

Puis ces rassemblements sont devenus des lieux de discussion, à mesure que la tension baissait, très lentement à vrai dire. Les discussions entre habitants, militants et jeunes portaient sur l'attitude de la police, d'une part, et sur la violence aveugle de ceux qui brûlaient, d'autre part. Les jeunes, quant à eux, reprochaient aux adultes de ne se réveiller que parce qu'il y avait le feu, et de les avoir abandonnés depuis longtemps.

Ces rassemblements n'ont pas été la seule réaction de la population aux derniers événements. Mercredi 9 novembre, plus de deux cents personnes, surtout des militants associatifs, se sont réunies à la maison de quartier de Bagatelle, à côté du Mirail. Il y a eu de nombreux témoignages sur la difficulté de la vie dans les quartiers, sur le manque d'équipements collectifs et sur la désespérance de la jeunesse.

Le lendemain jeudi 10, ce sont 150 personnes avec de nombreux instituteurs et travailleurs sociaux qui se sont rassemblées place Abbal, de 12h30 à 13h30, pour dénoncer l'occupation policière, occupation qui souvent met le feu au lieu de l'éteindre. Enfin samedi 12novembre une manifestation a marché de la place Abbal à la place du Capitole, pour rompre symboliquement l'isolement des quartiers et protester "contre toutes les discriminations". Partis à 300, ils sont arrivés deux fois plus nombreux au centre-ville. Militants de gauche et associatifs des quartiers tenaient à protester contre les lois d'exception, et à affirmer que la politique de Sarkozy ne fait qu'envenimer les choses.

En effet, dans ce quartier du Mirail, la police est bien connue. Quand Sarkozy est revenu au gouvernement il y a six mois, il y a eu trois mois de véritable occupation policière. Il n'y avait pas de couvre-feu, mais les contrôles étaient plus que fréquents, bien plus qu'au centre-ville ou sur la rocade, et systématiquement "au faciès". Et les amendes pleuvaient pour un oui ou pour un non: que ce soit pour défaut de port de ceinture de sécurité, pneus lisses, défaut d'attestation de contrôle technique ou d'assurance, en particulier pour les voitures en panne sur le parking d'un immeuble. Mais aussi pour des broutilles: c'est ainsi qu'oublier de signer sa carte verte pouvait être sanctionné d'une amende de 90 euros!

Aujourd'hui, avec les voitures incendiées, le racket continue: la police fait intervenir des garages privés pour évacuer les épaves calcinées. Le remorquage coûte 253 euros et les frais de garde de 8 à 10 euros par jour. Et il faut compter au moins deux demi-journées de congé pour faire toutes les démarches, car on ne peut déposer plainte que les jours ouvrables.

Alors, la moindre provocation policière peut dégénérer très vite, car la situation est insupportable.

On paie aujourd'hui trente ans de politique gouvernementale. Il y a la crise du logement, et il y a surtout le chômage: 60% de chômage pour les moins de 25 ans dans un quartier comme le Mirail, soit trois fois plus que la moyenne nationale. Un petit exemple: à la Cité du Parc, l'entreprise chargée de la démolition d'un bâtiment a accepté d'embaucher pour la durée des travaux des jeunes de la cité comme manoeuvres. Il y a eu 30 candidatures pour six places!

Il manque 500000 logements en France, et il y a des millions de chômeurs. Que l'État fasse construire ces logements en embauchant deux millions de chômeurs: voilà ce que devrait être un vrai plan d'urgence, si le terme n'était pas dévalorisé par des gouvernements qui en pondent un nouveau tous les trois mois

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