Grande-Bretagne : Blair mis en minorité au Parlement17/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1946.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Blair mis en minorité au Parlement

Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, il y a plus de huit ans, Blair et son gouvernement travailliste ont été mis en minorité à la chambre des Communes, le 9 novembre, sur un amendement gouvernemental proposant l'allongement de la durée de garde à vue de 14 à 90 jours dans les affaires liées au terrorisme. La majorité absolue que détient Blair au Parlement n'a pas résisté à la "rébellion" de 49 députés travaillistes qui ont voté contre.

C'est au lendemain des attentats de Londres du 7 juillet dernier que l'allongement à 90 jours avait été revendiqué par le chef de la police du Grand-Londres. Depuis, cette revendication avait été reprise dans le cadre d'une virulente campagne menée par deux grands quotidiens populistes, le Sun et le Daily Mail -par ailleurs bien connus pour être des champions de la chasse aux "immigrés clandestins", de la lutte contre les "chômeurs parasites" et autres "grandes causes" visant à flatter les préjugés antiouvriers, anti-immigrés et racistes.

Après le choc suscité par les attentats, un tel renforcement des pouvoirs de la police ne suscitait sans doute pas trop d'inquiétude dans l'opinion, tout au moins tant qu'il s'agissait de s'en prendre à des terroristes. Mais les choses ont changé après le meurtre de Jean-Charles de Menezes, abattu dans le métro par une unité spéciale antiterroriste en vertu des pouvoirs discrétionnaires qu'avait reçus la police de tirer à vue sur toute personne suspectée d'être un "terroriste en mission". Car de Menezes n'avait rien d'un terroriste. C'était un jeune électricien brésilien se rendant à son travail, dont le seul crime avait été de croiser la route des porte-flingues et, sans doute, d'avoir eu le teint un peu trop basané.

Du coup toute une partie de l'opinion, déjà indisposée par les dénégations de Blair prétendant que les attentats du 7 juillet n'avaient rien à voir avec sa politique en Irak, était devenue méfiante vis-à-vis du projet de super-loi antiterroriste annoncé dès cette époque par Blair -et en particulier de la mesure d'allongement de la garde à vue à 90 jours qui y figurait. De tels pouvoirs mis entre les mains d'une police notoirement raciste ne pouvaient qu'aboutir à la multiplication des gardes à vue prolongées pour "délit de faciès". Et surtout, beaucoup en étaient venus à voir dans ce projet de loi ce qu'il était réellement, c'est-à-dire une tentative visant à occulter le rôle joué par le gouvernement travailliste dans la sale guerre d'Irak, en faisant passer celle-ci pour le prolongement inévitable d'une "guerre contre le terrorisme" qu'il fallait bien livrer, puisqu'elle avait frappé au coeur même de Londres.

C'est par rapport à cette fraction de l'opinion -apparemment légèrement majoritaire dans l'ensemble de l'électorat et très majoritaire dans l'électorat travailliste- que les conservateurs ont cherché à se positionner, en se payant la démagogie de jouer les champions des droits de l'homme, s'opposant à Blair sur la question des 90 jours. Quant aux députés travaillistes "rebelles", pour beaucoup il s'agissait sans doute surtout de marquer leur différence avec Blair à un moment où sa succession à la direction du parti est, dans les faits sinon officiellement, d'ores et déjà ouverte.

Mais ce vote montre également les limites de la "rébellion" de députés dont la majorité avait d'ailleurs soutenu sans état d'âme toutes les aventures guerrières de Blair, de l'Afghanistan à l'Irak. Car après avoir mis Blair en minorité sur les 90 jours, les mêmes se sont joints aux conservateurs et aux libéraux-démocrates pour faire passer un contre-amendement allongeant la garde à vue à 28 jours, accréditant du même coup la démagogie anti-terroriste du gouvernement.

Autant dire que, même si elle vise à capitaliser l'hostilité bien réelle que suscite la politique de Blair dans l'opinion, et en particulier dans l'électorat travailliste, cette "rébellion" n'est qu'une tempête dans un verre d'eau politicien. Et il faudrait bien autre chose, et en particulier que cette hostilité s'exprime de nouveau dans la rue et avec une détermination qui ne laisse pas le choix aux dirigeants travaillistes, pour contraindre Blair à changer de cap.

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