L'apprentissage à 14 ans : Le gouvernement rogne sur l'éducation, quand il faudrait lui donner plus de moyens17/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1946.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'apprentissage à 14 ans : Le gouvernement rogne sur l'éducation, quand il faudrait lui donner plus de moyens

La seule décision annoncée par le gouvernement en matière d'éducation dans les banlieues reste la possibilité d'entrer en apprentissage à 14 ans au lieu de 16. Quelles qu'en soient les suites concrètes, cette annonce montre déjà quel type de mesures il envisage: l'exclusion accrue et plus précoce encore d'une partie de la jeunesse ouvrière d'un système scolaire auquel on n'a pas donné de moyens suffisants.

Actuellement, la scolarité étant obligatoire jusqu'à 16 ans, aucun contrat de travail et donc aucun contrat d'apprentissage ne peut être signé avant cet âge. Les quelques formations en préapprentissage existant avant s'apparentent à des stages où l'élève est encore sous statut scolaire. Si cela devait changer et si l'on en revenait à la possibilité de faire travailler les jeunes à 14 ans, ce serait bien sûr une formidable régression sociale.

Un apprenti préparant un CAP a en tout et pour tout 13 semaines de cours par an, et le reste du temps il travaille chez son patron pour un salaire qui débute à 25% du smic. Rien à voir donc avec la scolarité tout au long de l'année que suivent actuellement les élèves de collège entre 14 et 16 ans! Aujourd'hui déjà, à 16 ans une partie des jeunes de banlieue n'a d'autre choix que d'arrêter l'école pour chercher un apprentissage. Ils font le tour des garages, des salons de coiffure ou des magasins de plomberie de leur ville, avec souvent comme seul résultat d'essuyer des dizaines de refus. Cela ne peut pas être plus facile à 14 ans. Les organisations patronales ont d'ailleurs fait savoir que leurs adhérents n'avaient aucune vocation particulière pour prendre en charge les élèves les plus turbulents des collèges de banlieue.

Cette remise en cause par la bande de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans peut se traduire, à terme, par une réduction importante des moyens affectés à la scolarité des enfants entre 14 et 16 ans. L'âge de la fin de la scolarité obligatoire est en effet celui où l'État se considère comme dégagé de l'obligation d'assurer l'éducation de tous, et cela a des conséquences immédiates. À l'issue du collège, quand les jeunes atteignent ces 16 ans, le nombre de places proposées dans les lycées généraux et professionnels est inférieur à celui des élèves qui voudraient y entrer. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, ce sont ainsi plusieurs milliers d'élèves qui n'ont de toute façon d'autre choix que d'arrêter là leurs études et d'aller chercher un hypothétique apprentissage. Et dans bien des domaines, en matière de scolarité, tout devient beaucoup plus difficile après 16 ans. Pour les élèves qui arrivent de l'étranger par exemple et qui ne parlent pas un mot de français, l'État a fini par mettre en place des classes d'accueil spécialisées en collège, puisque de toute façon il est obligé d'y accepter ces enfants. Mais en lycée ces classes sont en nombre beaucoup plus réduit et bien des jeunes de plus de 16 ans sont obligés de se débrouiller eux-mêmes pour apprendre la langue. Abaisser de deux ans cet âge fatidique pourrait donc permettre à l'État de réduire encore plus les moyens qu'il consacre à l'éducation.

Il est certes encore difficile de dire aujourd'hui si les déclarations de Villepin au sujet de l'apprentissage à 14 ans iront au-delà du simple effet d'annonce. Il lui fallait bien faire semblant de dire quelque chose en matière d'éducation, pour faire pendant au couvre-feu. Cette mesure a le double avantage de ne rien lui coûter, au contraire même, et de flatter un électorat qui pense que les jeunes ne veulent pas travailler. Mais d'ores et déjà elle est significative du sens dans lequel compte aller le gouvernement: encore moins d'école pour les enfants de travailleurs.

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