Israël : Le Parti Travailliste change de direction, mais sa politique?17/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1946.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël : Le Parti Travailliste change de direction, mais sa politique?

C'est contre toute attente, et en faisant mentir des sondages publiés peu avant en Israël, qu'Amir Peretz a ravi la direction du Parti travailliste à Shimon Pérès. Certes, la faible différence des voix entre ces deux candidats, 42,3% pour le premier contre près de 40% pour le second, laisse à penser que bien des combats d'appareil peuvent encore avoir lieu, qui pourraient modifier les premiers résultats ou du moins retarder la mise en place et la stabilisation d'une nouvelle direction. Pérès n'a d'ailleurs pas manqué de faire aussitôt appel des résultats, accusant son rival de fraude.

Peretz est aujourd'hui présenté non seulement comme un homme de gauche (ce qui n'est pas très difficile, surtout comparé à Pérès), mais aussi comme un militant soucieux des problèmes sociaux. À la tête de la centrale syndicale Histadrout, il a maintes fois pris position pour une augmentation du salaire de base et contre la politique d'abandon des services publics mise en oeuvre par les gouvernements de droite et même de gauche. À en croire de nombreux commentateurs, une fibre pacifiste vibrerait toujours en Peretz, lui qui fut dans sa jeunesse membre du mouvement "La paix maintenant".

Son arrivée à la tête du Parti Travailliste et sa volonté exprimée de sortir le parti de la coalition gouvernementale, on devrait plutôt dire de la complicité gouvernementale qu'il partage avec Sharon, peut évidemment changer des choses dans un proche avenir. En particulier, si le Parti Travailliste quittait le gouvernement, de nouvelles élections pourraient avoir lieu dans un temps rapproché. Une recomposition politique serait même susceptible de voir le jour, qui pourrait aboutir à la création d'un nouveau parti à la tête duquel se trouveraient les larrons qui dirigent actuellement le pays: Sharon et Pérès, tous deux contestés dans leur propre parti. C'est du moins là une hypothèse ouvertement discutée en Israël.

Mais, sans que l'on sache encore quelle sera la politique mise en oeuvre par la nouvelle direction travailliste, le seul fait que bon nombre d'adhérents aient, contre toute attente, désavoué Pérès est en soi un signe positif. Aujourd'hui en effet, la politique du Parti Travailliste se confond avec celle de la droite israélienne. Il accepte de celle-ci un projet d'annexion de 58% de la Cisjordanie et la transformation du territoire palestinien restant en enclaves coupées les unes des autres. C'est lui encore qui a eu l'idée du mur de séparation qui annexe à Israël de grandes surfaces de terres cultivées de Cisjordanie. C'est toujours lui qui accepte que Gaza soit transformée en une grande prison, isolée non seulement de la Cisjordanie mais du monde entier, et où les conditions de vie empirent de jour en jour.

Seulement, la responsabilité de la politique des travaillistes n'incombe pas au seul Pérès, même si la longévité politique de ce dernier l'a rendu complice de bien des infamies. Sans remonter à la création de l'État d'Israël et à la responsabilité des travaillistes dans l'éviction des populations arabes des terres qu'elles occupaient depuis des siècles, c'est sous le gouvernement du travailliste Levy Eshkol que la Cisjordanie et Gaza furent occupées en 1967. Au début des années soixante-dix Golda Meïr déclarait: "Il n'existe pas de peuple palestinien." En 1974 Pérès accepta que s'établisse la première des colonies juives en Cisjordanie, à Kedoumim. En 1982, tant Pérès que Rabin ont soutenu l'aventure guerrière de Sharon au Liban et un an plus tard ils ont accepté la création d'une zone de sécurité au Sud-Liban, ce qui prolongea la guerre pendant plusieurs années encore. C'est toujours les travaillistes qui, bien que contraints aux accords d'Oslo, n'acceptèrent jamais de reconnaître le droit des Palestiniens à un État qui leur soit propre. Et après l'assassinat de Rabin, Pérès, pour assurer son élection, commença sa petite guerre du Liban, laquelle se termina par le massacre de centaines de réfugiés à Kana. Et c'est sous chacun de leurs gouvernements que des terres palestiniennes furent volées, en particulier en Cisjordanie.

Ces politiques, qu'elles aient été menées par les travaillistes ou par la droite, eurent un coût. Pour les Palestiniens en premier lieu, mais aussi pour les Israéliens qui ont payé également un tribut de sang et vu leurs conditions de vie se dégrader.

L'élection de Peretz à la tête du Parti Travailliste modifiera-t-il la politique de ce dernier? Certainement pas fondamentalement. Aux dires de ses anciens amis du mouvement "La paix maintenant", l'ancien syndicaliste qui s'en prenait volontiers aux capitalistes "ivres de richesses" aurait pour le moins modéré son attitude vis-à-vis de ceux qu'il condamnait quand il était à la tête de la confédération syndicale israélienne, la Histadrout. Vis-à-vis des Palestiniens, il se garde de faire la moindre promesse concrète, se contentant à leur égard de termes très généraux sur la paix nécessaire.

C'est dire que tous ceux qui en Israël aspirent sincèrement à un changement radical de politique devront compter avant tout sur leur capacité à l'imposer, plutôt que sur l'éventuelle bonne volonté d'un homme providentiel, eût-il été syndicaliste ou pacifiste dans le passé.

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