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Les suites du raz de marée : L'aide... moins urgente qu'une guerre contre l'Irak?
Pour venir en aide aux cinq millions de personnes réfugiées et la plupart du temps sans abri en Asie à la suite des raz de marée, l'aide publique promise par les États se montait début janvier à un peu plus de deux milliards de dollars, somme dont le secrétaire général des Nations unies s'inquiéte de la concrétisation effective.
Kofi Annan s'apprête donc à se rendre à Genève le 11 janvier, à l'occasion d'une conférence organisée par l'ONU et réunissant les principaux pays bailleurs de fonds. Outre l'idée de leur faire préciser les modalités de versement des aides promises, il a l'intention de lancer un appel de fonds beaucoup plus important car, selon lui, la reconstruction va "demander des milliards de dollars" et prendre "de cinq à dix ans".
Il est vrai que le montant total de l'aide publique annoncée par l'ensemble des États est dérisoire comparée par exemple aux dépenses engagées jusqu'à présent par les seuls États-Unis dans la guerre contre l'Irak: 225 milliards de dollars d'armement ultra-sophistiqué, d'équipements, de logistique dépensés depuis mars 2003 dans le but d'imposer leur suprématie dans cette partie du monde. En ce qui concerne la France, Jacques Chirac s'est positionné en demandant au gouvernement français de poursuivre un "effort maximum" et a annoncé que l'aide officielle du pays dépassait 48 millions d'euros, guère plus que l'ensemble des dons parvenus aux organisations humanitaires. Mais... il convenait d'y ajouter le coût de l'envoi du porte-hélicoptères Jeanne- d'Arc!
Quant à George W. Bush, il a annoncé, une semaine après le séisme, que les États-Unis allaient prendre la tête d'une coalition internationale regroupant au départ, outre son propre pays, le Japon, l'Australie et l'Inde, saisissant l'occasion de ne pas laisser à l'ONU le monopole politique de l'organisation des secours. Épinglé pour sa "pingrerie" dans deux grands journaux américains, le président a désigné son père, George Bush, et son prédécesseur démocrate, Bill Clinton, pour s'occuper de la récolte de fonds privés pour l'Asie. Envoyés en Thaïlande, le 4 janvier, le secrétaire d'État Colin Powell et le propre frère du président, le gouverneur de l'État de Floride, ont annoncé que l'aide américaine a atteint à présent 350 millions de dollars, soit à peine plus de 0,03 millième du PIB de la grande puissance.
Mais plus que de ces deux politiciens, c'est, au-delà des sommes nécessaires, de moyens techniques gigantesques que les pays dévastés ont besoin. Des régions entières, pas toujours côtières, sont totalement dévastées: plus de villages, plus de routes, plus de ponts, plus d'installations portuaires, mêmes rudimentaires. A fortiori, il n'y a plus d'aéroports et l'atterrissage de fortune improvisé au nord de Sumatra, à Banda Aceh, a dû être momentanément abandonné à la suite d'un accident. Parfois, c'est la terre qui a disparu, envahie par l'eau, ainsi que le montrent certains clichés aériens des îles indiennes de faible altitude Adaman et Nicobar. En raison des pluies, des routes inondées, des ponts détruits, aucune aide ne peut parvenir au Sri Lanka, où 30000 personnes ont péri et 850000 se trouvent toujours sans abri. Rien ne parvient, en dehors des maigres colis largués par les hélicoptères qui parviennent à joindre des réfugiés, donnant parfois naissance à de pathétiques affrontements. En Indonésie, en particulier à Sumatra, proche du séisme initial, plus d'un million de personnes dépendent à présent de l'aide extérieure pour survivre.
Les armées des États modernes ont tous les moyens techniques et matériels pour surmonter les obstacles afin de tenter de sauver ces femmes et ces hommes. Or, le premier groupe de quarante-deux marines américains n'a atteint le Sri Lanka que neuf jours après le séisme. Un porte-avions américain est maintenant parvenu sur les côtes de Sumatra, et de là commence à faire parvenir de l'aide. Au total plusieurs milliers de "marines" sont maintenant sur place alors que le porte-avions français Jeanne-d'Arc, parti de Djibouti, a encore besoin de plusieurs jours pour arriver. Mais face aux besoins, cela reste encore dérisoire. Il manque d'avions de transport et d'hélicoptères, bien sûr, mais aussi de péniches de débarquement pour délivrer les milliers de tonnes de matériels, de camions, de pelleteuses, d'hôpitaux de campagne, de médicaments, de vivres, de pompes électriques et de générateurs. L'urgence est là: ports emportés et ponts détruits, il faut pourtant que les dizaines de milliers de gens dénutris, assoiffés et menacés par les épidémies puissent être joints et recevoir les soins, la nourriture et l'eau potable.
Les États les plus riches oublient qu'ils disposent de tous les moyens quand il serait vital de les mettre à la disposition de ces dix pays pauvres touchés par la catastrophe. Ils ne détachent qu'une toute petite partie, et avec retard, de leurs moyens logistiques, tandis que pour les moyens financiers ils s'en remettent pour l'essentiel à la charité publique.
Alors où est la masse de moyens sophistiqués qui, en mars 2003, ont pu être déployés avec largesse pour occuper et acheminer des quantités de matériels dans tout un pays, lors de la guerre éclair que les grandes puissances ont lancée contre l'Irak?...