Éthers de glycol : Le parcours du combattant des victimes06/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1901.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Éthers de glycol : Le parcours du combattant des victimes

Lundi 3 janvier, Claire Naud, une ouvrière exposée à des encres et des solvants toxiques pendant sa grossesse, mettait en cause devant le tribunal de grande instance de Paris son ancien employeur, la Société Sérigraphie Aquitaine Flocage (SAF), pour ne pas avoir pris toutes les précautions de protection nécessaires et être civilement responsable du très lourd handicap dont souffre sa fille, aujourd'hui âgée de 12 ans. L'avocate de l'entreprise accusée a bien entendu nié la responsabilité de la SAF.

Plusieurs salariés exposés dans leurs entreprises à des produits semblables, dont la toxicité est due à la présence d'éthers de glycol, ont de même attaqué leur employeur. En 2002, Thierry Garofalo portait plainte contre IBM, où il avait travaillé entre 1988 et 1993 avant de se retrouver en invalidité, atteint de multiples troubles de la santé et de stérilité pour avoir manipulé des produits d'entretien qui contenaient des éthers de glycol. Le procès est toujours en cours. Mina Lamrani, mère d'un enfant atteint d'atrophie du visage, qui a manipulé ces substances nocives pendant sa grossesse a, elle aussi, décidé de se battre pour que soit reconnue la responsabilité de son employeur. Membre de l'Association des victimes des éthers de glycol (Aveg), elle a porté plainte en 2001. Son association a répertorié 80 dossiers de victimes.

Beaucoup parmi elles ont souvent appris au hasard de leurs lectures le danger de ces éthers de glycol, inventés dans les années 1930, et très utilisés depuis les années 1960, dans des produits tels que les peintures, les encres, les vernis, les produits d'entretien, mais aussi les cosmétiques et les médicaments. La première étude montrant leurs effets nocifs fut faite en... 1971! Onze ans plus tard, en 1982, l'État de Californie publia un premier avis d'alerte. Mais la classification des éthers de glycol comme produits dangereux ne commença qu'en 1993. Seuls deux éthers de glycol étaient alors étiquetés par l'Union européenne "R61", c'est-à-dire présentant des "risques d'effets néfastes pendant la grossesse". Il fallut attendre l'année 1997 pour que quatre éthers de glycol soient interdits, mais l'interdiction ne concernait que la composition des produits ménagers grand public. Au total, aujourd'hui, neuf de ces poisons sont classés toxiques et sont interdits dans les produits de consommation, les médicaments et cosmétiques. Mais aucune interdiction ne frappe les produits industriels dans la composition desquels entrent pourtant les mêmes éthers de glycol. Pour les travailleurs qui manipulent ces produits, des circulaires énoncent simplement les risques, et des recommandations sont faites aux industriels pour réduire leur utilisation. On sait le peu d'impact de tels "conseils" sur des patrons très peu soucieux de la santé de leurs salariés.

Cette lenteur criminelle pour l'interdiction des éthers de glycol a été dénoncée à plusieurs reprises par des scientifiques, comme André Cicolella, chercheur à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, et membre du collectif "Éthers de glycol". Il a lui- même, durant ses recherches, mis en évidence chez des animaux comme le rat, la souris ou le singe des relations entre une exposition à ces produits et les malformations chez leurs petits. "L'homme réagit de la même façon, dit-il. Des milliers de personnes ont été exposées. À une époque, dans le dossier de l'amiante, on nous disait: "Où sont les victimes?" Aujourd'hui, on les voit ces victimes."

Comme dans le cas de l'amiante, les victimes qui se battent pour que soit reconnue la responsabilité des patrons et pour que ces produits soient complètement interdits se heurtent à un mur, mais un mur dans lequel celles-ci ont tout de même fait une brèche.

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