USA et France : La concurrence pour l'impérialisme humanitaire!06/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1901.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

USA et France : La concurrence pour l'impérialisme humanitaire!

Suite à la catastrophe en Asie du sud, Chirac a lancé dans les média plusieurs "initiatives internationales de la France". Il propose d'une part un moratoire des dettes pour les pays atteints par le raz de marée et d'autre part une taxe mondiale pour aider les pays du Tiers-monde. Rien que de très louable en apparence. Chirac a lui-même su comparer l'aide actuelle aux pays pauvres, qu'il estime à 60 milliards de dollars, avec la richesse produite par an dans le monde qui serait de 33000 milliards de dollars (plus de 5000 fois).

Cette disproportion concerne aussi la France dont l'aide publique au développement n'a cessé de baisser et ne correspond même pas aux engagements précédents. Qu'est-ce qui empêche Chirac de donner l'exemple en étant plus généreux pour l'Asie du sud -le Japon avec 500 millions de $ contre 45 pour la France fait plus que dix fois mieux!- et en augmentant l'aide de la France aux pays du Tiers-monde au lieu de la réduire? Il pourrait par exemple supprimer la dette des pays d'Afrique. Ce serait d'autant plus logique que ces pays envoient l'essentiel des richesses qu'ils produisent (pétrole, cacao, café, huile, bois, etc.) vers l'ancienne métropole coloniale. Chirac pourrait aider financièrement la Côte d'Ivoire au lieu d'y envoyer seulement des troupes. Il pourrait décider de payer à un niveau plus honnête aux paysans africains le cacao, le café ou le coton que les entreprises françaises leur achètent. Puisqu'il veut se donner un air "altermondialiste", Chirac pourrait ainsi faire du commerce un peu plus "équitable".

Chirac ne veut certes pas faire payer les trusts qui pillent les richesses des pays du Tiers-monde. Il s'est contenté de demander une étude sur la manière de lever une "nouvelle contribution internationale", et il a fait voter une résolution en ce sens à l'ONU. À défaut de faire couler la manne, il aura au moins réussi à faire sortir de ses gonds le président américain. Bush aurait déclaré selon Le Parisien: "Mes compatriotes paient déjà l'impôt local, l'impôt de l'État, l'impôt fédéral. Et par-dessus le marché, vous voudriez leur faire payer l'impôt Chirac?"

La concurrence France-USA a joué également pleinement dans les annonces de ces deux États concernant l'aide aux victimes du tsunami. Aussi minime fut-elle, la promesse de la France concernant l'aide financière, a fait paraître ridicule la première proposition d'aide avancée par les USA: celle-ci s'en est trouvée doublée, puis à nouveau multipliée par dix.

Chirac a ensuite lancé l'idée d'un moratoire des dettes des pays d'Asie du sud. Ce ne serait pas un grand sacrifice pour la France, pays vis-à-vis duquel l'Asie du sud n'a quasiment aucune dette. Mais cela viserait autrement les intérêts américains. Leurs représentants ont tout de suite répliqué en affirmant qu'un moratoire, cela témoignait de "pingrerie", que seul un échelonnement favoriserait l'aide au développement.

Quand les autorités des USA ont lancé l'objectif de la constitution d'une nouvelle "coalition internationale" (comme en Irak) pour aider l'Asie du sud et coordonner les secours, la France a jugé la proposition inadmissible, avançant que seule l'ONU aurait le crédit international pour exercer ce rôle.

Le ministre français Michel Barnier a réussi à devancer ses homologues américains en étant le premier à visiter une région sinistrée. La France a annoncé la première l'envoi d'équipes de secours puis d'un navire militaire avec des hélicoptères... plus d'une semaine après la catastrophe. Mais ce sont les forces américaines qui se sont retrouvées les premières sur le terrain en Indonésie, avec une armada d'hélicoptères autrement plus importante que celle que promet toujours la France... à qui il faudra encore une bonne semaine avant d'arriver.

Si encore la rivalité entre la France et les États-Unis servait à aider un peu plus les populations sinistrées, ce serait au moins des résultats "collatéraux" utiles. Mais l'aide restera de toute façon bien en deçà des possibilités réelles de ces États. Les grandes puissances savent agir à une toute autre échelle quand il s'agit de bombarder ou d'occuper un pays. Que ce soit en Irak ou en Afghanistan, elles l'ont bien montré.

Reste que dans l'hypocrisie, la concurrence est forte. Chirac, pour la France, n'entend pas être le dernier. Pas moins pour placer les entreprises françaises pour les futurs contrats de reconstruction d'hôtels, de magasins ou d'infrastructures indispensables au fonctionnement de ces "paradis" pour touristes. La fameuse aide des pays riches aux pays pauvres catastrophe ou pas est avant tout pour eux un moyen d'aider leur propre bourgeoisie!

Robert PARIS

Convergences Révolutionnaires n° 36 (novembre-décembre 2004)bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Délocalisations, chômage et démagogie chauvine
Articles: Paix européenne et guerre impérialiste-Loi Perben et justice à la tête du client - L'hôpital public mis au régime sec - Les accords de collaboration de classe signés par la CGT à la SNCF et à La Poste - La réélection de Bush: faut-il désespérer des travailleurs américains?
Pour se procurer ce numéro, 1,5 euros, ou s'abonner (1an: 9 euros; de soutien: 15 euros) écrire à: LO, pour la Fraction, BP 233-75865 Paris Cedex 18 ou Les Amis de Convergences, BP 128-75921 Paris Cedex 19 Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org

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