Total Carling : morts pour les profits09/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2484.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Total Carling : morts pour les profits

Près de sept ans après le drame qui a coûté la vie à deux jeunes ouvriers de l’usine Total de Carling, en Moselle, et en a blessé six autres, le procès de la direction de Total Petrochemicals s’est tenu à Sarreguemines la première semaine de mars.

Le 15 juillet 2009, une violente explosion dans le surchauffeur du vapocraqueur de la plateforme chimique tuait sur le coup Maximilien Lemerre et Jérôme Griffoul, âgés de 21 et 28 ans. Des pierres réfractaires étaient projetées sur une centaine de mètres. Le vapocraqueur avait été arrêté pour des raisons de sécurité deux jours auparavant, lors d’un violent orage. C’est lors du redémarrage de l’installation que s’est produite l’explosion.

Le procès a montré que des dispositifs de sécurité étaient shuntés… depuis 1996 ! Deux jours avant la fin des audiences, la direction a tenté de faire valoir un e-mail, daté de quelques jours avant le drame, demandant de supprimer ces shunts de sécurité. Une centaine de personnes avaient été interrogées lors des sept années de procédures, et personne n’en avait entendu parler jusque-là. C’est dire que cet e-mail est pour le moins douteux.

En 2006, la Drire (organisme chargé du contrôle des risques industriels) était intervenue pour dénoncer la pose de ces shunts, qui n’étaient pas acceptables sur cette installation classée Seveso II. Cela n’avait pas été suivi d’effet.

Lors des tentatives de redémarrage de ce 15 juillet 2009, il y eut plusieurs explosions mineures. Un opérateur embauché par Total a refusé même de rallumer le four, faisant valoir son droit de retrait. Mais un travailleur, intérimaire au moment de l’explosion et présent à l’audience, a expliqué que, ce matin-là, la plupart de ceux qui intervenaient n’avaient jamais participé au rallumage du surchauffeur : « J’étais intérimaire, refuser d’intervenir, ça voulait dire prendre la porte. »

Au tribunal, l’expert judiciaire a affirmé que la cause de l’accident est due au shunt de la sécurité et qu’il ne se serait pas produit si la sécurité de détection de la flamme avait été active. Et d’ajouter : « Les détecteurs de flamme du site de Carling ne sont pas fiables, par manque d’entretien, présence de vapeur d’eau, absence de balayage. » Tout cela dans une des plus riches entreprises du pays !

Tous les témoins ont expliqué qu’il fallait faire vite, or suivre les règles de sécurité prend du temps. Par sécurité, entre les tentatives de rallumage, il aurait fallu procéder à un soufflage, une opération qui permet de chasser le gaz et ainsi d’éviter une explosion. Mais voilà, le soufflage prend vingt minutes, et c’est vingt minutes de production perdue. Alors, il n’y a pas eu de soufflage, et l’accumulation de gaz dans l’installation a provoqué l’explosion mortelle. Du coup, la direction accuse les employés d’avoir commis des erreurs et de ne pas avoir respecté les procédures.

À l’issue des débats, vendredi 4 mars, le procureur a dressé un réquisitoire contre Total, dénonçant « une véritable dissimulation » et ironisant sur des témoins de la direction « qui connaissaient leur récitation sur le bout des doigts ».

Il a finalement requis deux ans de prison avec sursis contre le directeur en place au moment des faits et 40 000 euros d’amende, ainsi que 200 000 euros d’amende contre Total. Le délibéré sera rendu le 13 juin.

Deux jeunes ont perdu la vie pour que le groupe le plus riche du CAC 40 puisse faire encore un peu plus de profits.

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