Europe : les barbelés de la barbarie09/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2484.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Europe : les barbelés de la barbarie

« La route des Balkans est désormais fermée », déclare le document adopté, lundi 7 mars, par le sommet européen sur les migrants. La veille, bilan quotidien de ce qui est devenu une sinistre routine, vingt-cinq migrants s’étaient encore noyés en voulant gagner la Grèce. Cela ne devrait plus se produire, en tout cas plus aux portes de l’Union européenne (UE), se félicitent ses dirigeants.

Si, malgré ses engagements, l’UE refuse depuis plus d’un demi-siècle l’adhésion de la Turquie, Paris, Berlin, Bruxelles n’ont pas hésité à faire pression sur elle pour qu’elle empêche par la force les réfugiés syriens, irakiens, afghans et autres d’accéder en Europe.

Quant aux guerres, aux dictatures, à la misère dans les pays d’origine de ces milliers d’hommes, femmes et enfants qui risquent la mort dans l’espoir de trouver une vie meilleure ici, l’accord du 7 mars n’en a cure. Et pour cause ! Ceux qui l’ont concocté sont les tenants d’un ordre mondial qui engendre la barbarie.

Alors, se transformant depuis des années en forteresse, l’Europe se bunkérise encore plus. Car c’est de cela qu’il s’agit quand, comme ce 7 mars, ses dirigeants décident une batterie de mesures, dont la création d’un corps de 1 500 gardes-frontières européens, ne visant qu’une chose : barrer la route aux malheureux.

Le plan d’action décidé avec la Turquie, en octobre dernier, n’y a pas suffi. Ankara n’a pas reçu l’argent promis pour que l’armée et la police turques bloquent les réfugiés arrivant du Moyen-Orient. Résultat, la Turquie se retrouve avec deux millions et demi de migrants sur son sol. De l’autre côté de la mer Égée, la Grèce, étranglée par les banquiers et les institutions des grandes puissances, doit se débrouiller avec un afflux incessant de migrants.

Sur le chemin menant à l’Europe du Nord, la catastrophe s’est étendue à la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, la Croatie, la Slovénie. Leurs gouvernements ont hérissé leurs frontières de barbelés et la plupart en ont profité pour intoxiquer leur opinion d’une immonde propagande xénophobe.

Sous la pression de l’Union européenne, le gouvernement turc dit maintenant qu’il accepte de faire le sale travail. Il s’agit de bloquer les migrants et de reprendre ceux que l’Union expulsera. Et, pour s’assurer qu’il verrouillera bien sa porte à double tour, les dirigeants européens ont obtenu que des navires de guerre français et britanniques puissent patrouiller dans les eaux turques. En échange, les États ouest-européens ont promis à Ankara des visas plus faciles à obtenir, trois milliards d’euros et aussi leur silence sur les atteintes aux droits de l’homme, à ceux du peuple kurde, à la liberté de la presse et autres turpitudes du gouvernement Erdogan. Quant à la Grèce, elle aura droit à quelques subsides pour les nombreux réfugiés bloqués chez elle dans des hot spots, autrement dit des centres de rétention.

Cet accord sauvera-t-il la libre circulation entre les 26 États de l’Europe de Schengen, malgré le rétablissement des contrôles aux frontières par la France, la Suède, l’Allemagne, l’Autriche ? Même s’ils le souhaitent, les gouvernants des puissances qui dominent l’Europe n’ont aucune certitude en ce domaine. D’autant que certains d’entre eux en profitent, par démagogie, pour entonner un couplet nationaliste.

Ainsi Valls, avant ce sommet, a mis en cause « la politique d’ouverture des frontières d’Angela Merkel » en la déclarant « pas tenable dans la durée ». De quoi faire passer cette chancelière de droite pour plus progressiste qu’un politicien PS.

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