La précarité instituée dans toute l’Europe09/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2484.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La précarité instituée dans toute l’Europe

Les hommes politiques et les journalistes favorables à la loi El Khomri affirment chaque jour que, dans les pays où une réforme semblable a eu lieu, elle aurait créé de nombreux emplois. Il suffirait donc que le gouvernement ose détruire les garanties dont bénéficient les travailleurs pour que le chômage recule. Mais, dans les pays concernés, la classe ouvrière est nettement moins euphorique, et pour cause. La misère continue d’augmenter du fait de la précarité entraînée par ces lois antiouvrières et, pour les familles populaires italiennes, espagnoles ou anglaises, cela est bien plus important que les statistiques bien souvent truquées du chômage.

En Italie, Matteo Renzi prétendait que sa loi, dite Jobs Act, « offrait aux jeunes des perspectives d’avenir ». Un an après son entrée en vigueur, Renzi en vante les mérites, complaisamment relayé par les journalistes, et annonce fièrement que le Jobs Act ce sont « 764 000 contrats stables en un an ». En réalité, ces contrats représentent peu d’emplois créés. Dans leur grande majorité, il s’agit d’anciens CDD requalifiés en contrats à droits croissants, le nouveau contrat du Jobs Act. Les patrons s’y sont convertis d’autant plus volontiers que ce soi-disant CDI leur permet de licencier comme bon leur semble pendant trois ans, contre une indemnité dérisoire, et que le gouvernement verse une prime pour chaque embauche de ce type. Si on ajoute à cela que le nombre de temps partiels a explosé, on comprend que le chômage reste élevé et que plus de 39 % des jeunes entre 15 et 24 ans soient encore sans emploi dans les dernières statistiques. Comme le disait un travailleur passé au contrat à droits croissants : « Ici, ceux qui ont un nouveau contrat avaient déjà un travail et n’ont pas plus d’avenir qu’avant. »

En Espagne, le gouvernement de droite de Rajoy avait fait passer dès son arrivée en 2012 une loi qui approfondissait encore celle de son prédécesseur, le socialiste Zapatero. La précarité était instaurée pour tous les nouveaux contrats, les licenciements étaient rendus plus faciles et les patrons pouvaient réduire les salaires unilatéralement, simplement en invoquant des raisons liées à la productivité, à la compétitivité ou à l’organisation technique. La loi vidait de leur contenu de nombreuses conventions collectives. Aujourd’hui, ceux qui défendent ce modèle osent se vanter d’un taux de chômage passé de 26 % à 20 %, un travailleur sur cinq sans emploi ! C’est énorme, mais en plus ils oublient de dire que 67 % des nouveaux emplois sont à temps partiel et 90 % précaires. La réforme a de plus abaissé les salaires de 7 %, de l’aveu du syndicat UGT pourtant bien complaisant. Et ce n’est pas tout. Ces derniers mois, de très grandes entreprises comme Telefonica ont même trouvé une nouvelle façon de remplacer les licenciements collectifs par des suppressions individuelles d’emplois, négociées personnellement entre le salarié et l’entreprise. Les travailleurs concernés perdent ainsi tous les droits antérieurs.

En Grande-Bretagne, les lois sur le travail ont aussi généralisé la précarité. Une grande partie des emplois créés dont on nous parle sont des contrats zéro-heure, sans horaires ni paie garantis. Mais encore plus nombreux sont les auto-employés, qui n’ont ni congés payés ni congés maladie, ne sont pas couverts par les réglementations du travail et ont un revenu moyen bien plus faible que celui des salariés fixes à plein temps. Là aussi, le pouvoir d’achat des salariés n’a cessé de baisser. Quant aux statistiques de chômage, elles sont plus que douteuses.

Dans les pays européens où les recettes de la loi El Khomri sont déjà appliquées, elles ont l’effet inverse de ceux que nous promettent aujourd’hui Hollande, Valls et Macron. La destruction des garanties dont bénéficiaient auparavant les travailleurs n’a pas favorisé de véritables embauches, mais au contraire abouti à l’explosion de la précarité et à l’accroissement de la misère. Et ce que prouve aussi l’exemple de ces pays, c’est que, loin de permettre une amélioration du sort des travailleurs, l’application de ces lois dictées par le patronat ouvre partout la porte à de nouvelles attaques. Il est donc vital de les combattre.

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