Ukraine : Après le rejet de l'accord avec l'Union européenne... L'équilibriste et les manifestants04/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2366.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : Après le rejet de l'accord avec l'Union européenne... L'équilibriste et les manifestants

Depuis le rejet par le gouvernement ukrainien de l'accord de « partenariat » proposé par l'Union européenne, des foules de manifestants occupent le centre de Kiev en réclamant la démission du président Ianoukovitch. Elles rappellent celles de la « révolution orange » quand, en 2004, les mêmes – membres de la petite et de la moyenne bourgeoisie urbaine, nationalistes de l'ouest de l'Ukraine – occupaient la place de l'Indépendance.

Les manifestants d'alors avaient fini par obtenir que Ianoukovitch démissionne. Cet ex-Premier ministre « pro-russe », accusé d'avoir falsifié en sa faveur les résultats du scrutin présidentiel, avait dû céder la place au tandem de politiciens pro-occidentaux Iouchtchenko-Ioulia Timochenko.

Mais, à la différence de 2004, aujourd'hui il n'y a nulle élection en cours ni en vue. Quant aux politiciens que les événements d'alors avaient portés au pouvoir, ils se sont tellement déconsidérés que Ianoukovitch a même pu trouver, en 2010, une majorité pour accéder à la présidence, sans fraude cette fois.

Les manifestants actuels lui reprochent d'avoir repoussé l'accord que l'Union européenne proposait à six ex-républiques soviétiques, dont l'Ukraine.

Comme leurs homologues moscovites qui, il y a deux ans, ont conspué dans la rue pendant des semaines un autre fraudeur électoral, le président russe Poutine, la plupart des manifestants de Kiev rêvent d'une société où le « business » – terme anglais devenu d'un usage courant en russe comme en ukrainien – pourrait s'épanouir. Ils voudraient qu'il se développe proprement, disent-ils, donc sans que la mafia-bureaucratie d'État, qu'ils ont des raisons d'assimiler à la clique qui entoure Ianoukovitch, prélève sa dîme, en rackettant à qui mieux-mieux petits et gros entrepreneurs...

Cette « classe moyenne » rêve de prospérité pour l'Ukraine, dit-elle. C'est-à-dire d'une prospérité qu'elle n'aurait à partager avec personne, en pensant que cela rime dans le cas présent avec Union européenne. Pourtant, négociant avec Kiev depuis cinq ans, Bruxelles n'apportait rien de tangible dans la corbeille de fiançailles. Espérant un geste des dirigeants européens, Ianoukovitch faisait dire alors qu'il signerait l'accord. Il laissait aussi se développer une ambiance pro-européenne dans les médias. Peine perdue.

L'accord européen dit de « partenariat oriental » rejeté, Ianoukovitch répète qu'il garde le cap d'une intégration à l'Union européenne. Mais en fait les puissances impérialistes de l'ouest du continent n'en veulent pas. Ce qu'elles veulent, c'est que les ex-républiques soviétiques les laissent faire leur marché chez elles et les inonder de leurs produits, sans autre contrepartie que la promesse qu'à terme les choses iront mieux.

Dans l'immédiat, pareille ouverture sonnerait la ruine de pans entiers de l'économie, avec des fermetures d'usines en cascade, des licenciements massifs, l'étranglement des exploitations agricoles locales par les groupes de l'agro-alimentaire ouest-européen, alors que l'Ukraine fut le grenier à blé de l'URSS.

Ianoukovitch et les magnats d'une industrie privatisée par l'appareil d'État ne sont ni pro-russes ni pro-européens : ils défendent leurs seuls intérêts face à leurs voisins européens et russes. Et tous comptes faits, ils estiment avoir plus à perdre, à l'heure actuelle, à rompre avec une Russie dont l'économie est très liée à la leur, qu'ils n'auraient à espérer d'avantages, dans un avenir indéfini, d'un accord avec l'Union européenne.

Quant à la petite bourgeoisie qui manifeste à Kiev, elle n'est ni plus ni moins pro-européenne que Ianoukovitch et compagnie, En fait, elle enrage de voir s'éloigner la perspective d'un accord avec l'Union européenne, dont certains escomptaient déjà qu'elle leur offre l'occasion de faire du « business » avec les miettes que les grands groupes occidentaux auraient pu lui abandonner.

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