Égypte : Une loi anti-démocratique04/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2366.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte : Une loi anti-démocratique

En Égypte, une nouvelle loi a été promulguée le 24 novembre par le président par intérim Adly Mansour. Cette loi dite « de réglementation des manifestations » exige que les organisateurs d'un rassemblement de plus de dix personnes obtiennent un feu vert du ministère de l'Intérieur.

Présentée comme destinée à réprimer les rassemblements de partisans des Frères musulmans, après la levée du couvre-feu et de l'état d'urgence, cette loi constitue en fait une menace pour tous ceux qui seraient tentés de protester contre le pouvoir en place, installé depuis le 3 juillet dans l'ombre de l'état-major militaire.

Il n'y a pas eu besoin d'attendre longtemps : le 26 novembre, une protestation était organisée au Caire contre la traduction de civils devant des tribunaux militaires, pratique qui se perpétue depuis des décennies en Égypte. Il s'agissait de militants et sympathisants de gauche, dont des partisans du Mouvement du 6 avril, qui furent partie prenante dans les mobilisations ayant conduit au départ de Moubarak. La police antiémeutes est intervenue contre les quelques centaines de manifestants, en arrêtant plusieurs dizaines. Les manifestantes ont été molestées, puis relâchées des heures plus tard au bord d'une autoroute en plein désert. Les hommes, eux, ont été battus, emprisonnés et traduits le 2 décembre devant un tribunal qui en a libéré la plupart, non sans les condamner à une amende de 5 000 livres égyptiennes (530 euros), somme qui représente en moyenne plusieurs mois de salaire.

Depuis, d'autres manifestations ont eu lieu pour protester contre la nouvelle loi, qui reprend en les aggravant des dispositions déjà existantes, imposant aux organisateurs de livrer d'avance leur identité à la police, sous peine de prison et de lourdes amendes, la répression armée étant même officiellement prévue dans la loi. Le 28 novembre, la police a provoqué la mort d'un étudiant lors d'un de ces rassemblements, organisé à l'université du Caire. Deux opposants connus, Ahmed Maher et Alla Abdel-Fattah ont été arrêtés, accusés d'avoir organisé des manifestations. Celles-ci se poursuivent cependant, réclamant la libération des manifestants encore détenus et la démission du ministre de l'Intérieur.

D'évidence, le projet de Constitution remis le 3 décembre par le Comité des 50, les personnalités désignées à cet effet par le pouvoir, ne constituera pas un frein au pouvoir de l'état-major militaire. Le projet continue à poser la charia, la loi islamique, comme « la principale source du droit » et laisse soigneusement l'armée, notamment le budget militaire, hors de contrôle du Parlement élu. Le Conseil suprême des forces armées continuera pendant plusieurs années à nommer le ministre de la Défense. Quant aux tribunaux militaires, ils continueront à juger des civils.

Adoptée ou non, la nouvelle Constitution aura sans doute peu d'importance pour les généraux au pouvoir. La loi « anti-démonstration », elle, constitue une menace directe contre les opposants et les grévistes que l'aggravation de la situation sociale et politique pourrait inciter à manifester.

Partager