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Yémen : Washington en quête d'un succès... ou vers un nouveau bourbier ?
L'attentat raté du vol 253 à destination de Detroit a braqué les projecteurs de l'actualité sur le Yémen, où l'apprenti terroriste nigérian aurait été s'entraîner, chercher du matériel et des instructions auprès des représentants locaux d'Al-Qaïda.
L'attentat était donc une belle occasion pour Obama de dénoncer, avec une rhétorique identique à celle de son prédécesseur, le rôle d'Al-Qaïda au Yémen. C'est ce qu'il a fait samedi 2 janvier, mettant aussi en cause le relâchement des services secrets US.
Le Yémen, un pays de 23 millions d'habitants issu de la réunification des Yémens du Nord et du Sud en 1990, est depuis des années le théâtre de discrets affrontements entre un groupe islamiste qu'on dit lié à Al-Qaïda et les services américains. Si le gouvernement du président Ali Abdullah Saleh affiche un soutien enthousiaste aux États-Unis, la réalité est plus nuancée.
Les combattants islamistes yéménites, qui avaient participé à la guerre contre l'URSS en Afghanistan, avaient été accueillis en héros lors de leur retour au pays. Et ils ont pu pénétrer l'armée et l'administration et même participer à un gouvernement de coalition entre 1993 et 1997. Cela a permis, pendant longtemps, un statu quo avec le régime yéménite. Depuis, il y a eu un attentat contre les forces de sécurité en août 2008 et les islamistes proches d'Al-Qaïda ont noué des alliances avec des tribus montagnardes auprès desquelles ils peuvent trouver refuge.
Malgré une tradition de milices armées, le Yémen est cependant encore loin de la situation que connaît, par exemple, le Pakistan. Mais les États-Unis craignent qu'il ne finisse par devenir à son tour un sanctuaire où pourraient se réfugier et s'entraîner des combattants qu'ils retrouveraient ensuite en Irak, en Afghanistan ou au Pakistan. C'est pourquoi, depuis des années, les États-Unis font pression sur le gouvernement yéménite pour qu'il réprime ces partisans d'Al-Qaïda.
Mais le gouvernement local fait face à d'autres problèmes. Les menaces de sécession du Sud du pays (qui avaient entraîné une courte guerre civile en 1994) sont en sommeil mais dans le nord, le régime doit faire face à une rébellion d'un courant chiite local qui a le soutien de l'Iran.
Le gouvernement yéménite doit aussi tenir compte de la colère de la population contre les récents bombardements US. Censés frapper, les 17 et 24 décembre derniers, des camps supposés d'Al-Qaïda, ils ont surtout causé la mort de civils.
L'attentat manqué permet en tout cas à Washington d'accentuer sa pression sur le Yémen. Washington et Londres viennent d'annoncer le cofinancement d'une force de police exclusivement dédiée à réprimer Al-Qaïda dans ce pays. Pour l'occasion, les États-Unis doubleraient l'aide financière qu'ils versent déjà.
Alors que les États-Unis s'enlisent en Afghanistan, en Irak et au Pakistan, ils ne seraient sans doute pas mécontents de connaître quelques réussites au Yémen. C'est ce que souligne une partie de la presse américaine qui estime que « de tous les pays liés à Al-Qaïda, le Yémen est celui où les efforts d'Obama pourraient être les plus fructueux. ». Mais les bourbiers afghan et irakien devraient aussi leur avoir appris que, dans ce genre d'affaires, un succès espéré peut vite déboucher sur un interminable cauchemar.