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Dans le monde
Irak : Le scandale du programme « Pétrole contre nourriture »
Le gouvernement irakien réclame dix milliards de dollars de pénalité à 93 industriels et banquiers accusés de corruption et de détournement de fonds lors de l'application du programme « Pétrole contre nourriture » entre 1997 et 2003. La convocation de ces entreprises, dont un bon nombre de sociétés françaises et la BNP Paribas, devant le tribunal de New-York est l'aboutissement, provisoire, d'un scandale révélé en 2005.
Le programme « Pétrole contre nourriture » avait été mis en place par l'ONU en 1997 par souci « humanitaire » : il s'agissait d'atténuer les effets de l'embargo contre l'Irak, décidé en 1990 après la première guerre du Golfe et dont les conséquences avaient été dramatiques pour la population irakienne, causant la mort de centaines de milliers de civils.
Ce programme permettait au gouvernement irakien de vendre son pétrole ; les fonds résultants de la vente étaient confiés à un bureau de l'ONU qui les encaissait sur un compte spécial BNP Paribas ouvert à New-York. Puis cet argent devait servir à acheter des produits de première nécessité - matériel, alimentation, médicaments.
Pour la vente comme pour l'achat, les sociétés étaient choisies par Saddam Hussein. Les trusts achetant le pétrole le faisaient avec une ristourne intéressante dont ils rétrocédaient une partie au dictateur irakien et à ses proches ; bien évidemment, la population irakienne ne voyait pas le moindre dollar de cet argent. Du côté achat de produits de première nécessité, les fabricants vendaient des produits périmés ou abîmés au prix fort, en rétrocédant là encore une partie de leur marge à la clique de Saddam Hussein. Mais au passage, toute une série d'autres intermédiaires, politico-économiques, percevaient leur dîme, avec la mission de plaider la cause du gouvernement irakien sur la scène internationale. Parmi les noms cités en France, on trouvait celui de Charles Pasqua, qui a bénéficié d'un non-lieu de la justice française en septembre 2009.
Dans cette gigantesque entreprise de corruption, qui concernerait plus de 2 200 sociétés dans le monde, les sociétés françaises viennent en effet en bonne place, juste après les russes. Un certain nombre de trusts ont déjà négocié depuis deux ans, préférant payer une amende pour arrêter les poursuites de la justice américaine. C'est ainsi que Volvo et Renault Trucks ont payé une amende de 7 millions de dollars, Siemens de 448 millions de dollars. Mais cela ne les met pas à l'abri des poursuites engagées par le gouvernement irakien. BNP Paribas devrait plaider, selon les informations du journal Libération, son absence de responsabilité : elle n'aurait fait qu'exécuter des opérations financières sans savoir qu'elles participaient d'un schéma illicite !
L'affaire risque de durer longtemps encore et même si le gouvernement irakien récupère ces dix milliards de dollars, on peut se douter qu'ils n'iront pas dans les poches de la population irakienne. Elle a payé et paye encore une interminable guerre et aussi toutes ses conséquences. Elle paye la corruption de ceux qui la gouvernent, une corruption entretenue par la voracité des multinationales européennes ou américaines soutenues par leurs gouvernements respectifs.