Il n'y a pas de vaccin contre la pandémie dont crève la société06/01/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/01/une2162.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Il n'y a pas de vaccin contre la pandémie dont crève la société

Devant le tollé suscité par la disproportion entre les 94 millions de doses de vaccins contre la grippe H1N1 achetées, et les cinq millions qui ont été utilisées, le gouvernement français a donc prévu d'essayer de bazarder une partie au moins des stocks qu'il a sur les bras, et la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot a annoncé le 4 janvier à grands sons de trompe qu'elle annulait une partie des commandes.

La seule chose qu'elle n'a pas dite, c'est ce que l'État aura à verser aux laboratoires pharmaceutiques qui fabriquent ces vaccins comme indemnités. Car comme l'expliquait Le Figaro du 5 janvier, sous le titre « Vaccins : les négociations avec les labos sont lancées », en plus des indemnités de rupture « qui s'élèvent le plus souvent à 4 % du chiffre d'affaires non réalisé », les laboratoires « peuvent aussi exiger des indemnisations pour l'achat de matières premières ou le financement d'installations ».

En bons VRP pourtant, plusieurs ministres s'étaient succédé depuis l'été pour expliquer à quel point il était vital de se faire vacciner. Une explication utile, peut-être, mais qu'y avait-il derrière ? Roselyne Bachelot avait même convoqué les caméras pour immortaliser sa propre vaccination ! Passons sur le fait que celles et ceux qu'on invitait à se faire vacciner ont souvent eu droit à plusieurs heures de queue devant les salles de sport transformées en dispensaires, quand on ne leur redemandait pas de revenir un autre jour, tant il y avait de pagaille dans l'organisation de la vaccination.

Depuis le début de cette affaire, un certain nombre de scientifiques se sont élevés contre ce tapage gouvernemental et le coût que l'achat de ces doses de vaccin a représenté, 869 millions d'euros, l'équivalent du déficit de l'ensemble des hôpitaux publics.

Le gouvernement se défend en invoquant le « principe de précaution ». Et d'affirmer que lorsque la commande a été passée, on ignorait si cette forme de grippe était grave ou pas, et qu'on ne savait pas bien s'il fallait deux doses ou si une seule suffisait.

« Principe de précaution » ? Mais nombre de sommités médicales rappellent que cette somme consacrée à une maladie dont on ignorait la gravité dépasse, et de loin, le budget alloué pour cinq ans au Plan cancer, c'est-à-dire à la recherche pour soigner une maladie dont on connaît la gravité.

« Principe de précaution » ? Comme si ce gouvernement se souciait à ce point de la santé de la population ! Toutes ces réformes concernant la santé visent à diminuer l'accès des classes populaires à des soins convenables. Où est le « principe de précaution » lorsqu'on supprime des hôpitaux ou des maternités de proximité ? Où est-il lorsqu'on réduit le personnel hospitalier ? Où est-il lorsqu'on diminue les remboursements, de soins comme de médicaments, et qu'on augmente le forfait hospitalier ? Le gouvernement se moque de l'accès aux soins de ceux qui n'ont pas d'argent.

Alors, si « principe de précaution » il y a eu dans cette affaire, il ne concernait pas les malades, mais le profit des laboratoires pharmaceutiques. Et même après que le gouvernement eut revu ses commandes à la baisse, les quatre trusts de l'industrie pharmaceutique, à qui le gouvernement français avait commandé les 94 millions de doses de vaccin contre la grippe A, sortiront largement gagnants de cette affaire. D'autant que, comme l'indique le laboratoire Sanofi-Pasteur, « nous avions des demandes d'autres pays », et que les commandes de l'État français ont permis de faire démarrer la production. Bien sûr, on peut se dire que gaspillage pour gaspillage, il vaut mieux gaspiller dans le domaine de la santé que d'aider à fonds perdus les banquiers. Mais l'un n'empêche pas l'autre !

Lorsque le gouvernement a débloqué des dizaines de milliards pour les banquiers, il a prétendu que c'était pour sauver le système bancaire, c'est-à-dire l'économie mondiale. Lorsqu'il a versé des milliards aux patrons et actionnaires des grandes entreprises de l'automobile, il a prétendu que c'était pour sauvegarder des emplois. Le virus H1N1 est arrivé à point nommé pour servir de prétexte à un coup de main à l'industrie pharmaceutique, alors que tant d'autres maladies, à commencer par le paludisme, font des millions de victimes dans le monde, chaque année.

Les raisons invoquées varient mais la préoccupation reste la même : comment aider les grands groupes capitalistes à maintenir leurs profits et à enrichir leurs actionnaires malgré la crise.

Ces grands trusts qui dominent la vie économique et dont les gouvernements ne sont que les serviteurs politiques vivent en parasites sur la société, avec l'aide ou par l'intermédiaire de l'État.

La capacité de nuisance du virus H1N1 est sans commune mesure avec le parasitisme de ces grands trusts. Et il ne s'agit pas d'un phénomène saisonnier mais d'une grave maladie sociale dont la société ne pourra se débarrasser que par l'expropriation de ces trusts. Ce qui signifie mettre fin à tout ce sur quoi repose leur pouvoir social : la propriété privée des moyens de production, l'économie de marché et le capitalisme.

Partager