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Dans le monde
Turquie : La lutte des travailleurs de Tekel et des pompiers d'Istanbul
12 000 travailleurs du secteur du tabac appartenant au monopole d'État Tekel poursuivent une lutte déterminée, notamment depuis le 16 décembre où une partie d'entre eux ont commencé à occuper un parc central de la capitale, Ankara, faisant ainsi directement pression sur le gouvernement.
Celui-ci a déjà privatisé la fabrication des cigarettes en 2008, et maintenant les entrepôts se trouvant dans différentes villes. Ces 12 000 travailleurs dont le salaire moyen est de 2 200 TL (livres turques), soit environ 1 000 euros, se voient proposer un statut dit 4C, c'est-à-dire un salaire de 772 TL, soit 360 euros... et la perte de leur statut de fonctionnaire !
Le gouvernement actuel et ses prédécesseurs ont réussi jusqu'à maintenant à privatiser sans trop de difficultés, profitant du chômage massif et de la politique de compromis des directions syndicales. Ces 12 000 travailleurs eux-mêmes avaient sans doute en grande majorité voté pour ce gouvernement. Mais depuis les années 2000, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs du secteur public, notamment des banques et du textile, ont perdu leur statut de fonctionnaires à la suite des privatisations, et par la même occasion une bonne partie de leur pouvoir d'achat. Non seulement ils n'ont plus de garantie d'emploi, mais leurs conditions de travail se sont sérieusement aggravées. Tout cela commence à se savoir et cela explique la riposte des travailleurs de Tekel.
Le gouvernement a d'abord envoyé la police matraquer les manifestants de Tekel, mais ceux-ci ont tenu bon. La brutalité de la police a soulevé l'indignation. Les travailleurs ont eu un grand soutien des commerçants des alentours, des étudiants et même de la presse, de la population en général et des habitants leur offrant l'hospitalité. La direction du syndicat Türk-Is s'est trouvée obligée de les soutenir. Quant aux déclarations du gouvernement, notamment du Premier ministre Erdogan traitant les travailleurs de « profiteurs », elles n'ont fait qu'augmenter encore leur détermination.
Le gouvernement a dû maintenant changer de langage et faire quelques concessions, le ministre du Travail promettant un relèvement du salaire de 100 TL (40 euros). Les travailleurs n'en ont pas voulu, mettant au premier plan le maintien de la garantie de leur emploi dans cette période où le gouvernement tend à confier une grande partie des services publics à des sous-traitants. La lutte continue donc.
Au même moment d'ailleurs, une lutte semblable se déroule à Istanbul, une ville où mille pompiers ont été confiés à une société de sous-traitance. La municipalité veut modifier leur contrat avec à la clé, comme dans le cas de Tekel, une baisse importante de leur salaire. Les travailleurs le refusent, menant des manifestations spectaculaires et occupant un parc de la ville.
Visiblement, la grève générale qu'ont observée les fonctionnaires le 25 novembre - dans un pays qui ne leur reconnaît pas le droit de grève - a renforcé la détermination de nombre de travailleurs du secteur public, et la paix sociale, dont le gouvernement Erdogan a bénéficié jusqu'à présent, est peut-être en train de prendre fin.