Metaleurop-Glencore : Des patrons voyous au-dessus de tout soupçon12/02/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/02/une1854.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Metaleurop-Glencore : Des patrons voyous au-dessus de tout soupçon

Il y a tout juste un an, la société Metaleurop fermait définitivement le site industriel de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais, en déclarant sa filiale Metaleurop Nord en faillite. Les 830 salariés se retrouvaient du jour au lendemain devant le vide complet, sans interlocuteur, sans patrons, sans salaires, sans indemnités, sans rien.

L'usine avait été abandonnée par ses actionnaires, ainsi que le site, gravement pollué par le plomb par des dizaines d'années d'activité industrielle sans précaution. Avec tous les sous-traitants qui employaient au moins autant de salariés, c'était tout le bassin minier qui, encore une fois, était sinistré par la seule décision de quelques actionnaires dont personne ne connaissait ni le nom, ni le visage.

À l'époque, Chirac lui même avait traité ces dirigeants anonymes de "patrons-voyous". Et François Fillon, ministre des Affaires Sociales, avait surenchéri à l'Assemblée en affirmant: "Metaleurop est le symbole d'un comportement irresponsable que le gouvernement veut voir sanctionner de façon exemplaire... Des poursuites judiciaires, et ce ne sont pas des paroles, ont été engagées et l'enquête, notamment sur l'abus de bien social, se poursuit. Et nous veillons à ce que, de ce point de vue, l'enquête aboutisse."

Un an après, rien n'a été fait contre les actionnaires de Metaleurop, et on sait que rien ne sera fait. Juridiquement, tout était "bétonné", car Metaleurop Nord, propriétaire du site de Noyelles-Godault, n'était qu'une filiale de Metaleurop, elle-même filiale de Glencore, et la justice a confirmé qu'il n'y avait aucune raison de demander des comptes, ni aux actionnaires, ni à la maison mère.

Pourtant, ceux qui travaillaient dans l'usine peuvent maintenant décrire -c'est ce que faisait le reportage diffusé lundi 2 février sur la chaîne télévisée Arte- les méthodes qu'ont employées les dirigeants de Metaleurop pour vider la filiale, planifiant ce qui apparaît à tous comme une faillite organisée.

Il apparaît que la création de la filiale répondait à un seul objectif: y loger les risques, en faisant partir tout ce qui était rentable dans d'autres filiales, ou vers la maison-mère, en imposant le versement de grosses commissions sur toutes les transactions, en détournant les contrats des clients vers d'autres filiales du groupe, en vendant à bas prix les actifs de l'usine à d'autres filiales, en particulier les stocks de matières premières, en confiant les productions-phares de l'usine (le traitement d'indium et de germanium, utilisé pour les fibres optiques et les écrans plats) aux filiales chinoises. Tout était prêt alors pour se débarrasser de Metaleurop Nord.

Contrôler les comptes des grands trusts

Voilà à quoi sert la liberté d'entreprendre, quand on s'appelle Metaleurop ou Glencore. Mais ce ne sont pas des cas isolés, Glencore n'est pas une brebis galeuse parmi un océan de patrons respectant leurs salariés et les intérêts de la collectivité. Ces façons de procéder sont celles de tous les grands groupes nationaux et internationaux. De Bata à Renault, d'Alcatel à Fiat, il n'y a pas un seul trust qui ne les ait pratiquées, et à grande échelle, en programmant la mort de filiales, en jetant à la rue leurs salariés, sans que personne n'ait le "droit" d'intervenir dans leurs décisions.

Et pourtant, leurs affaires concernent toute la population, car chacune de leurs décisions peut avoir des conséquences dramatiques pour des milliers, voire des dizaines ou des centaines de milliers de salariés. La population et en premier lieu les salariés concernés doivent pouvoir contrôler les décisions de ces grands trusts, savoir d'où vient l'argent et où il va, contrôler les transactions, et s'opposer aux décisions ayant des conséquences néfastes sur l'emploi. Car il faut que les décisions se fassent en fonction des besoins de la population, et pas en fonction des intérêts d'une poignée d'actionnaires,

Ce ne sont pas l'État, les politiciens, les gouvernements, qui le feront, car ils sont complices du patronat. Il faut imposer la transparence des comptes des grandes entreprises, en commençant par l'abolition du secret commercial et bancaire. Contre le sacro-saint droit des actionnaires de faire ce qu'il veulent, contre le sacro-saint droit des patrons d'organiser la faillite de leurs sociétés, et même de la société en général, les travailleurs, les salariés de ces entreprises, les employés des banques doivent se donner les moyens d'exercer ce contrôle. Ce n'est rien d'autre qu'imposer le droit à la vie.

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