Bonne santé... à la lutte des médecins18/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1747.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Bonne santé... à la lutte des médecins

Après le personnel hospitalier, le SAMU, les internes, les infirmières libérales, c'est au tour des médecins généralistes de revendiquer face au gouvernement. Le mouvement pour l'augmentation des honoraires, de 17,5 à 20 euros pour la consultation, de 20,58 à 30 euros pour la visite, largement suivi par les 60 000 généralistes du pays, atteindra peut-être un nouveau pic avec la "journée sans toubib" du 23 janvier. Jean-Marie Spaeth, le "syndicaliste" qui dirige la CNAM sous la houlette d'une alliance CFDT-Medef, est envoyé au charbon par le gouvernement pour désamorcer le mouvement. Il propose de n'augmenter que certains actes, moins de la moitié, et 600 millions d'euros sur... 3 ans, contre plus d'un milliard que coûterait immédiatement la satisfaction des revendications des médecins.

Il y a certes bien des aspects contradictoires dans ce mouvement. Il peut y avoir un fossé entre le médecin qui s'est installé dans le 16e arrondissement de Paris, et celui qui a établi son cabinet dans certaines zones rurales ou dans une cité ouvrière, où il gagne bien moins, peine parfois à rentrer dans les frais de son installation, tout en jouant un rôle social indispensable. Les situations sociales varient, les comportements aussi ! Il y a des médecins qui ne visent ici que l'augmentation de leurs revenus, sans avoir forcément de scrupules à relayer par ailleurs les consignes gouvernementales d'austérité, en refusant par exemple des arrêts de travail à des salariés qui en auraient bien besoin. Ou qui n'hésitent pas à prendre pour les besoins de leur cause les malades en otages, en les faisant payer plus cher sans qu'ils puissent se faire rembourser. Il y a à l'inverse les médecins que révolte la prétention du gouvernement à rationner l'accès des gens à la santé.

Mais le problème n'est pas là. Qu'y a-t-il de scandaleux dans le fond à augmenter aujourd'hui les honoraires des généralistes ? Le gouvernement, la CNAM, le Medef nous expliquent que cela coûterait trop cher à la Sécu ! A l'issue d'un premier round de négociation, J. M. Spaeth a encore utilisé cette grosse ficelle : "Les Français sont-ils prêts à voir leurs cotisations sociales augmenter ?" Autrement dit, pour assurer l'équilibre financier de la Sécu, il faudrait faire payer soit les médecins, soit les salariés. C'est cette rengaine que nous servent tous les gouvernements depuis 20 ans, chaque fois qu'ils souhaitent soumettre la santé à une nouvelle cure d'austérité.

Qui vole la Sécu ?

Pourtant, le trou de la Sécu (tout relatif d'ailleurs) ne vient pas des prescriptions des médecins libéraux, ni de la prétendue "boulimie" de consultations ou de médicaments des malades ! La sécurité sociale, c'est d'abord une énorme vache à lait pour les capitalistes de la santé. Ses remboursements sont une manne pour les trusts pharmaceutiques, auxquels l'Etat laisse vendre au prix fort leurs médicaments, tout en subventionnant une part très importante de la recherche. Leur santé est insolente. Le groupe Sanofi-Synthelabo, par exemple, engrangeait près d'un milliard d'euros de bénéfices en 2000 (+ 58 %) et encore 670 millions d'euros pour le seul premier semestre 2001.

Les cliniques privées prospèrent, elles aussi, sur le dos de la Sécu. Tout en profitant largement des infrastructures lourdes du public, elles se concentrent sur les activités les plus rentables, comme les maladies de l'oeil (68 % dans le privé) et laissent aux hôpitaux publics les petites pathologies et les urgences, qui rapportent beaucoup moins d'argent. Les cliniques font payer au prix fort leurs prestations à la Sécu, mais cela n'a pas empêché le gouvernement, il y a deux mois, d'offrir près de 4 milliards de francs à ces patrons.

L'ensemble des entreprises sont d'ailleurs les bénéficiaires des largesses du gouvernement et de la CNAM, puisque depuis le milieu des années 80, ils n'ont cessé de baisser les charges patronales sur les salaires, à coups d'exonérations en tout genre.

C'est ainsi que s'organise un gigantesque transfert de fonds vers le privé. Toute la démagogie d'un Spaeth ou d'une Guigou, consiste à l'occulter, et à faire porter le chapeau aux travailleurs, priés de mettre davantage la main à la poche ou d'aller moins souvent consulter, ou aux médecins eux-mêmes, qui ont été menacés de "sanctions financières" s'ils dépassaient leurs quotas... La suppression du remboursement de nombreux médicaments va dans le même sens d'un rationnement de l'accès aux soins de la population.

Il ne faut pas entrer dans ce piège, qui consiste à monter les médecins, les malades, les salariés, les uns contre les autres, pour nous faire avaler de nouvelles cures d'austérité. Il faudrait au contraire que tous ceux qui rejettent ce rationnement de la santé s'unissent, d'autant plus que les médecins ne sont pas les seuls à s'opposer à cette politique, d'autres luttent en ce moment. Les salariés du CHU de Clermont-Ferrand par exemple, qui ont dépassé les 3 semaines de grève, tout comme ceux de l'hôpital de Pontchaillou de Rennes, refusant les prétendues "35 heures" qui ne prévoient qu'un nombre d'embauches dérisoire au regard des besoins.

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