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Etats-Unis : La faillite d'Enron touche la Maison Blanche
La société Enron, la septième plus grande entreprise privée américaine, spécialisée notamment dans la fourniture d'électricité, a été placée en redressement judiciaire le 2 décembre dernier. Etant donné l'importance de ses dettes, un total de près de 36 milliards d'euros (235 milliards de francs), l'onde de choc est importante.
Elle atteint maintenant la société Arthur Andersen, qui avait dissimulé la situation réelle qui devait conduire à cette faillite. Une manoeuvre que l'actuel locataire de la Maison-Blanche, George W. Bush, et son entourage très lié aux dirigeants d'Enron ne pouvaient ignorer.
Avec la dérégulation de l'électricité amorcée en Californie, Enron s'était lancé dans des activités spéculatives qui ont triplé ses profits en trois ans, du fait de la hausse accélérée des prix de l'électricité. Son PDG, Kenneth Lay, est, depuis vingt ans, un proche de la famille Bush. C'est lui qui a soufflé aux dirigeants américains l'idée des permis de polluer, que les entreprises qui ne font rien pour supprimer leurs activités polluantes pourraient racheter aux entreprises "vertueuses".
En décembre dernier, on avait appris que Kenneth Lay s'était accordé de confortables primes personnelles de 4,5 et 7,5 millions d'euros (30 et 53 millions de francs) ces deux dernières années. L'enquête en cours aux Etats-Unis a permis d'apprendre que la dissimulation de la faillite a permis à ses principaux dirigeants, un groupe de 29 personnes dont Kenneth Lay lui-même, de revendre entre 1999 et la mi-2001 pas moins de 17,3 millions d'actions pour un montant total de 1,26 milliard d'euros (8,2 milliards de francs). L'un des meilleurs revendeurs a été Kenneth Lay lui-même, ce qui lui a permis de contribuer généreusement à la campagne électorale de George W. Bush (aux Etats-Unis, les contributions financières des entreprises aux campagnes électorales des politiciens qui les servent sont non seulement permises mais ne subissent presque aucune limitation). L'un des six plus hauts cadres en aurait revendu pour 400 millions d'euros (2,6 milliards de francs).
Les hommes de loi et les porte-parole des dirigeants d'Enron prétendent que tout a été effectué dans les règles. Le problème est que l'enquête actuellement diligentée montre que le cabinet d'affaires Arthur Andersen, qui cautionnait vis-à-vis de la Bourse les résultats d'Enron, a détruit un certain nombre de documents comptables, dans le but de retarder la connaissance de la menace de faillite. Il faut dire qu'Arthur Andersen était d'autant plus proche d'Enron que c'était un de ses plus gros clients.
La Maison-Blanche a pour le moment pris des distances et dit, dans un communiqué, qu'il ne faut pas voir cette affaire "sous un angle politique". Elle veut faire croire qu'une rencontre entre le vice-président Dick Cheney et les dirigeants d'Enron, il y a sept mois, avait pour seul but de discuter de problèmes d'énergie.
Enron et Arthur Andersen ont trompé les boursicoteurs de Wall Street, qui s'en remettront. Le plus grave est ailleurs. Dès l'annonce de la mise en règlement judiciaire, plusieurs milliers d'employés d'Enron ont été licenciés, séance tenante. D'autre part, les salariés d'Enron ont perdu leurs économies concentrées dans les fonds de pension de la firme, des fonds qui devaient financer leurs retraites, et aujourd'hui évaporés.
Bush doit au moins faire mine de réagir, car la majorité des salariés d'Enron sont originaires du Texas, l'Etat où il a fait sa carrière avant d'être président. Il prétend revoir les règles d'établissement de fonds de pension. Mais comment empêcher qu'un fonds de pension ne s'effondre, quand la firme qui l'a mis en place fait faillite, dans un système où les dirigeants d'entreprise se servent de ces fonds comme d'une réserve de trésorerie ?
Cette affaire peut-elle mettre Bush et son entourage en mauvaise posture ? L'avenir dira si on assiste au début d'un "Enrongate", mais ce système économique qui engendre le chômage et la ruine pour les salariés pourra, lui, continuer de menacer la vie et les économies des salariés américains.
Quant aux fonds de pension, un résultat aussi lamentable devrait être médité par les politiciens d'ici et les dirigeants patronaux, qui cherchent à mettre en place un système de financement des retraites par capitalisation. Mais évidemment il n'en est rien. Assureurs en tête, ils continuent à faire pression pour nous faire basculer dans un système de financement qui revient à confier sa retraite à des flambeurs de casino.