Inde-Pakistan : L'impuissance de Mucharraf face aux intégristes islamiques18/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1747.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Inde-Pakistan : L'impuissance de Mucharraf face aux intégristes islamiques

La mobilisation militaire déclenchée à la mi-décembre par le gouvernement indien contre le Pakistan s'est poursuivie par des échanges de tirs d'artillerie ininterrompus le long de la "ligne de contrôle", la frontière officieuse qui partage le Cachemire entre les deux pays.

Le 12 janvier, le dictateur pakistanais, le général Mucharraf, a bien prononcé un discours annonçant des mesures contre les groupes terroristes intégristes, y compris l'interdiction de cinq d'entre eux, discours que l'on a présenté comme un geste d'apaisement. Mais en réalité ces mesures sont bien plus destinées à satisfaire les exigences de Washington que les appétits de gloriole chauvine des leaders indiens. Et ce n'est pas pour inciter New Delhi à relâcher la pression, bien au contraire, puisque l'un des objectifs de la politique des leaders indiens dans cette affaire est précisément de forcer la main à Bush pour l'amener à prendre ses distances de son allié pakistanais.

Quoi qu'il en soit, on peut douter que Mucharraf soit réellement en mesure de faire plus que des discours face aux groupes intégristes pakistanais.

Sans doute 1 500 membres des cinq groupes interdits ont-ils été officiellement arrêtés depuis le 12 janvier, et plusieurs centaines de locaux leur appartenant ont été mis sous scellés. Mais à Karachi, par exemple, le coup de filet n'était même pas terminé que la police avait déjà commencé à relâcher une partie des individus emprisonnés. Plus significatif encore, dans l'État du Nord-Ouest, autour de Peshawar, où se trouve concentrée une population pachtoune pakistanaise et afghane hostile à Mucharraf du fait de son soutien aux bombardements américains contre l'Afghanistan, les autorités ont purement et simplement refusé d'appliquer les ordres d'Islamabad.

Mais même si l'interdiction de ces groupes était finalement appliquée, on voit mal ce qui les empêcherait de se reconstituer. D'une part grâce aux appuis dont ils bénéficient dans l'appareil d'Etat, et en particulier l'armée. Et d'autre part grâce aux liens étroits qu'ils ont avec telle ou telle faction des deux partis intégristes - JI et JUI - qui, eux, ont toujours pignon sur rue.

Quant aux autres mesures annoncées par Mucharraf dans son discours du 12 janvier, en particulier celles visant à renforcer le contrôle de l'Etat sur les institutions religieuses, il n'est pas dit non plus qu'il soit en mesure de les appliquer.

Par exemple, l'une de ces mesures, réclamée de longue date par Washington, vise les madrassas, ces écoles coraniques qui ont servi de terrain de recrutement aux groupes paramilitaires intégristes.

Ces madrassas devraient désormais être dûment enregistrées auprès des autorités et seraient astreintes à observer un programme scolaire minimum dépassant le cadre de l'enseignement religieux. Mais il n'est nullement question de retirer le contrôle des madrassas aux partis intégristes qui les animent, ni bien sûr de développer un système scolaire gratuit qui pourrait leur couper l'herbe sous le pied dans les quartiers pauvres. Quant à la volonté des autorités locales de faire appliquer la loi d'Islamabad là où les partis intégristes ont pris l'habiture de faire régner la leur, elle reste sujette à caution.

Autant dire que les mesures annoncées par Mucharraf ont peu de chances de se traduire par un recul des organisations intégristes.

Cela dit, les dirigeants américains qui admonestent aujourd'hui Mucharraf pour qu'il contrôle ses propres terroristes ne manquent pas d'hypocrisie.

Car il ne faut pas oublier que c'est Washington qui, pendant une décennie, a fourni dollars et armes aux groupes intégristes engagés dans la lutte contre l'occupation soviétique en Afghanistan, et qui a soutenu la dictature du général Zia, sous laquelle les intégristes ont acquis pignon sur rue. Sans la politique des dirigeants américains dans les années 1980, il n'est pas dit que les courants intégristes auraient aujourd'hui autant de poids dans la société pakistanaise, ni surtout au sein même de son appareil d'État.

Et aujourd'hui, c'est encore Washington qui, par ses bombardements abjects contre la population afghane, apporte de l'eau au moulin de ces organisations et leur gagne de nouveaux adeptes.

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