Médecins : Des revendications légitimes et un corporatisme qui l'est moins18/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1747.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Médecins : Des revendications légitimes et un corporatisme qui l'est moins

Après que le gouvernement a rejeté l'augmentation du tarif des consultations sous prétexte que ça coûterait trop cher à la Sécurité sociale, les médecins qui exercent en cabinet poursuivent la grève des gardes et annoncent une "journée sans toubib" pour le 23 janvier. L'augmentation des tarifs des médecins généralistes est sûrement légitime. Cependant elle ne règlera pas leur autre revendication, à savoir la surcharge de travail qu'ils dénoncent et dont le corps des médecins est responsable.

Il y a médecins et médecins...

Il y a ceux qui ne sont vraiment pas à plaindre, tels certains spécialistes installés dans les quartiers chics et qui doublent le tarif de base de la consultation tout en restant "conventionnés", ou tels certains chirurgiens qui n'hésitent pas à facturer à leurs patients des dépassements d'honoraires - tout à fait légaux - de plusieurs milliers de francs pour une opération (4 000 F de dépassements d'honoraires pour une prothèse de hanche sont monnaie courante et, quand un chirurgien pratique trois interventions dans la même demi-journée, cela fait un joli pactole...).

Mais il y a aussi les médecins qui, installés à la campagne ou dans les quartiers difficiles des banlieues des grandes villes, jouent un rôle social très important et travaillent 10, 12 voire 15 heures par jour. Ceux-là gagnent beaucoup moins d'argent que les précédents, même si, bien sûr, ils ne font pas partie des plus mal lotis de cette société.

Une revendication financière qui semble légitime

Les généralistes sont en grève pour obtenir une augmentation du tarif de la consultation à 20 e (au lieu des 17,53 e actuels), ce qui ne paraît pas abusif, surtout si le médecin consacre à son patient suffisamment de temps. Ils revendiquent également que les visites à domicile leur soient payées 30 e (au lieu de 20,58 e), ce qui semble tout à fait raisonnable. A condition que ces augmentations ne soient pas prélevées dans la poche des malades par une augmentation du "ticket modérateur", la partie du tarif que la Sécurité sociale ne rembourse pas.

Faute d'être satisfaits, les généralistes maintiennent leur grève des gardes des nuits et des week-ends, menacent de ne plus transférer les dossiers informatisés de leurs patients à la Sécurité sociale et préparent pour le 23 janvier une "journée sans toubib". Cette expérience permettra peut-être à ceux d'entre eux qui accusent les grévistes des transports en commun de prendre la population en otage de changer d'appréciation.

Quand le gouvernement s'indigne au nom des caisses de la Sécu

Le gouvernement a rejeté la totalité des augmentations sous prétexte qu'elles coûteraient 7 milliards de francs, soit un peu plus d'un milliard d'euros, à la Sécurité sociale et que ce serait inadmissible. Pourtant, en novembre dernier, ce même gouvernement a cédé une subvention de 472 millions d'euros, soit 3,1 milliards de francs, aux cliniques privées, prétendument pour ajuster les salaires des personnels infirmiers du privé à ceux du public, mais en fait pour augmenter encore les bénéfices des cliniques privées.

Et si le budget de la Sécurité sociale tient tant à coeur au gouvernement, pourquoi ne dénonce-t-il pas les sommes beaucoup plus importantes qui sont prélevées dans les caisses de la Sécurité sociale sous forme de dégrèvements de cotisations patronales au profit des grandes entreprises ? Et pourquoi avait-il proposé de piocher dans ces mêmes caisses 100 milliards de francs pour compenser les prétendus effets des 35 heures ?

Comment gagner plus, tout en travaillant mieux et moins ?

"Travailler mieux et moins" est une autre revendication des généralistes. Mais là l'augmentation de tarifs ne règlera rien.

Depuis 1970, la corporation médicale a imposé dans chaque faculté de médecine un quota de réussite à l'examen de fin de première année des études. C'est un quota sévère puisque, globalement, seuls 15 % des étudiants qui commencent leurs études de médecine franchissent ce barrage et passent en deuxième année. À l'époque, ces quotas avaient été mis en place afin d'éviter l'arrivée sur le marché d'un trop grand nombre de médecins, d'une trop forte concurrence commerciale et donc d'une baisse de revenus.

Demain, si le gouvernement accède à l'augmentation des tarifs, les généralistes seront mieux payés mais, faute d'une remise en cause de cette protection corporatiste que sont les quotas, ils continueront à travailler jusqu'à 90 heures par semaine. Et s'ils se résolvent à remettre en cause les quotas, il leur faudra alors accepter de voir leurs revenus diminuer.

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