Retour sur l'affaire Boulin : Un cadavre dans le placard18/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1747.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Retour sur l'affaire Boulin : Un cadavre dans le placard

Le prétendu suicide de Robert Boulin, il y a vingt trois ans, serait en réalité un meurtre. Et cet assassinat, s'il était avéré, mettrait en cause beaucoup de monde, y compris au sommet de l'État.

Le 30 octobre 1979, on découvrait le corps de Boulin, ministre du Travail du gouvernement Giscard d'Estaing, mort, le visage dans une flaque d'eau d'un étang de la forêt de Rambouillet. Dès le début, l'hypothèse d'un meurtre fut envisagée, mais comme Boulin avait - paraît-il - absorbé un somnifère - du valium - le suicide par noyade ne paraissait pas invraisemblable.

Aujourd'hui, tout est remis en question et l'affaire portée sur la place publique par une émission de Canal +. Boulin aurait été tabassé : son visage portait des traces de coups, son nez avait été cassé. Les bocaux contenant les poumons ont été volés, ce qui ne permet plus de vérifier s'ils contenaient de l'eau, et donc s'il y a bien eu noyade. Le médecin légiste qui s'est occupé du corps déclare que "c'est un meurtre camouflé en suicide", et qu'il a eu interdiction d'autopsier le crâne.

Le substitut du procureur reconnaît qu'il y a eu ordre de s'en tenir à la version de la noyade...

Bref, beaucoup d'éléments font douter - c'est le moins qu'on puisse dire - de la version officielle.

Mais si Boulin a été assassiné, pourquoi ? Dès le départ la presse avait parlé de révélations que le ministre s'apprêtait à faire sur des détournements politico-financiers.

Seulement, si l'ancien ministre a bien été éliminé pour qu'il ne parle pas, ce qui ne surprendrait personne compte tenu des scandales en tout genre qui n'ont cessé de défrayer la chronique du monde politicien, il resterait alors la complicité de l'Etat, sinon dans le crime, du moins dans les "négligences" de l'enquête.

Car ce que révèlent aujourd'hui certains acteurs de l'enquête de l'époque montre que les investigations ont été délibérément orientées pour faire conclure à un suicide. Cela implique la police et la magistrature. Et comme Boulin n'était tout de même pas un quidam ordinaire, mais un ministre en exercice, cela implique forcément les sommets de l'Etat.

L'affaire a été classée par un non-lieu, en 1992, malgré les protestations de la famille Boulin. L'enquête sera-t-elle rouverte ? Et si oui, dans combien de temps ? En laissant passer encore de longues années, les gens impliqués dans cette sinistre affaire peuvent espérer que tous les protagonistes auront disparu...

Le juge Halphen, qui vient de démissionner, déclarait qu'une des choses qui l'avait le plus choqué était "de voir à quel point des hommes politiques (...) en sont réduits, devant les soupçons et les démonstrations des dossiers, à se taire comme de grands truands."

On ajoutera : non seulement à se taire, mais à agir comme eux.

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